La jeune femme était là, seule, allongée sur cette immense plage, à l’autre bout de la terre. Elle faisait face au lagon qui ceinturait l’île bercée par les alizés.
Quelques gouttes d’eau de mer perlaient encore tout au long de son corps. Ses mains fines aux ongles longs étaient posées à même le sable fin et blanc. Quelques oiseaux multicolores tentaient vainement de la distraire en sifflant, comme dans un lointain écho, une douce mélodie tropicale.
La jeune femme dormait.
Le soleil jouait avec les palmes des cocotiers et celles-ci se reflétaient sur son visage et sur ses seins mats dans un mouvant ballet. Des embruns marins poussés par le vent semblaient faire frissonner son corps des pieds à la tête.
Pourtant, la jeune femme dormait profondément.
Ses longs cheveux noirs volaient, insouciants, au rythme d’une brise douce et légère. Sa bouche aux lèvres sensuelles laissait passer le souffle du bonheur et de la quiétude. Son corps à la peau cuivrée était comme un présent tombé du ciel. Son nombril était un lac perdu dans le désert, emplit d’eau salée et comme promis aux baisers interdits d’un irrésistible Prince.
Au loin, derrière la barrière de corail, l’océan grondait.
Il devait être midi et le soleil était déjà très haut dans un ciel absent de nuages. Une odeur de monoï s’évaporait en volutes à peine perceptibles. De temps à autre, dans un mouvement lascif, elle laissait échapper un soupir de plaisir. Elle rêvait sans doute de ce beau Prince au corps puissant et aux allures triomphantes...
Un scorpion vint à passer par là. La queue pointée vers le ciel. Il s’approcha de la jeune femme, grimpa sur la main aux ongles longs puis monta, lentement, sur le bras jusqu’à son épaule luisante de monoï. La dangereuse bestiole fit une pause. Quelle direction allait-elle prendre ? La douce et belle insulaire ne se doutait pas du terrible danger qui la guettait.
Finalement le scorpion décida de descendre vers le ventre de la jeune femme. Il traversa un sein et seul le mamelon tressaillit à son passage. Immédiatement après, dans la courbe descendante, il s’arrêta net. Il se mit sur ses gardes. Quelque chose venait de bouger. Gorgé d’un puissant venin, l’affreux arachnide comptait maintenant les pulsations cardiaques de sa proie potentielle. Après quelques secondes d’une extrême tension, il poursuivit son chemin vers le nombril, cette oasis providentielle où il se désaltéra un instant.
La jeune femme poussa un long soupir et dans le même temps se tourna légèrement sur le coté. Surpris, le scorpion fût éjecté de son observatoire et se retrouva à même le sol à quelques millimètres seulement du ventre de la jeune eurasienne, la queue pointée en direction de la peau, prête à décharger dans une effroyable piqûre le poison mortel.
A vrai dire l’horrible bête était non seulement terrassée par la peur mais elle se trouvait aussi dans une position particulièrement inconfortable et risquait, à tout moment, l’écrasement qui lui serait probablement fatal.
Alors, une fois n’étant pas coutume, il fila en douce, préférant la fuite au carnage. Quant à la belle eurasienne, elle ne fit jamais la connaissance de son beau prince des îles. D’ailleurs, elle ne sut même pas que c’était lui. Alors qu’il s’approchait d’elle, le cœur battant, sur cette plage paradisiaque, il fût foudroyé par la violente piqûre d’un scorpion.
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Soleil de Plomb
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