Homme, 35 ans, SDF… Eh oui !!! Une tare ou plutôt un état souvent non choisi dont on se sort difficilement, mais parfois…
Il était là, barbu, seul, dans le quartier le plus commerçant de cette petite ville de province,
assis sur un tas de cartons, ce qui le rendait encore plus grand et surtout plus remarquable.
Une boîte de conserve vide et rouillée attendait quelque aumône de passants qui ne s’arrêtaient que trop rarement ; il faut dire qu’un SDF, ça fait peur ; on ne sait jamais trop quelle idée saugrenue pourrait traverser son esprit !!!
L’air las et lassé, le dos courbé par le froid, la perte de dignité, voire d’identité, transpercé par l’attente interminable de jours meilleurs, notre jeune homme coule des jours de tristesse et de solitude, de désarroi et de désespoir, de faim et de froid, faisant sans cesse tourner dans sa tête le scénario de sa dégringolade. Il ne se mêle pas aux autres SDF ; il préfère la souffrance en solitaire.
Sa vie brisée depuis quelques mois, la perte de son travail, la fuite de sa famille, la fin de son chômage, la crise, les loyers impayés, les factures qui s’accumulent chez l’huissier et le voilà dans la rue au cœur de l’hiver.
Un jour, une passante qui avait remarqué ce jeune homme replié sur lui-même et fort calme, eut la bonne idée de s’arrêter et d’entamer une discussion ; le jeune homme lui raconta ses déboires et lui fit part de son rêve : devenir berger. Malheureusement, sans relation, sans chien, sans domicile, rien ne lui était possible.
De retour chez elle, la passante réfléchit et décida de venir en aide à ce jeune homme.
Le lendemain, elle retourna discuter avec lui et lui apporta quelques vivres.
Les commerçants commencèrent une chaîne de solidarité et la passante prit l’habitude de discuter avec lui tous les jours.
Un matin, le boucher du coin dit à la passante : « Ah ! Quelle misère ce jeune homme ; il fait vraiment pitié ; comment l’aider ? «
« Il lui faudrait un toit « répondit la passante-cliente. « Y a-t-il quelqu’un qui aurait une remise, une grange ? »
« Ben, pas moi, mais mon frère qui habite à quelques kilomètres d’ici possède une caravane qui ne sert plus « répondit le boucher.
« Eh bien voilà !! Marché conclu » répondit la passante.
Le lendemain, elle emmena notre SDF dans son nouveau logis, spartiate, certes, mais le jeune homme avait enfin une adresse.
Le même jour, la passante conduisit le jeune homme à l’ANPE afin qu’il remplisse un dossier et puisse bénéficier d’une formation de berger. Pas simple, d’ailleurs, car cela n’existe pas.
Mais pour être berger, il faut impérativement un chien, l’ANPE ne le fournit pas !!
Notre bienfaitrice-passante se rendit donc à la SPA locale et revint vers notre SDF, une jeune chienne de berger au bout d’une laisse ; elle en fit cadeau au jeune homme en lui disant : « Voilà pour vous, vous avez trois mois avant la fin de l’hiver pour éduquer ce cabot et ensuite, vous pourrez partir comme berger. Pour sa nourriture, voyez le boucher ! »
De relations en relations, de bouches en oreilles, d’opportunités en opportunités, deux mois plus tard, notre SDF retrouvait le sourire ; on le voyait déambuler dans les rues de la ville, son chien sur ses talons, s’arrêtant chez les commerçants, les remerciant et leur parlant de la réalisation proche de son rêve. Il avait trouvé un berger en montagne avec lequel il allait partir bientôt.
Notre SDF fit sa saison au milieu des moutons, puis revint saluer les gens qui l’avaient aidé à réaliser son rêve.
Il occupa son hiver au gardiennage d’une ferme en Provence et il ne manquait jamais de revenir rire avec la passante, attablés tous deux à une table de café.
Et l’été, il repartait dans ses montagnes au milieu de ses moutons, accompagné de sa chienne berger, qu’il avait appelée SOLIDARITE.