Tel un serpent, elle montait dans les airs, ronflante, pesante puis plus douce, plus attendrissante, la musique. Il faisait chaud, j’avais chaud. La tiéde nuit commencait tout juste à étirer ses longs bras sur le domaine du soleil
Je n’aurais pas dû suivre les copains, ma grand-mère me l’avait dit, la guinguette, c’est un lieu de malheur, ma tendre mamie et tes gâteaux au miel comme j’aurai dû t’écouter ...
Le fleuve coulait paresseusement dans son lit comme la bière dans nos gorges. J’ai mal à la tête. Et puis que voulez-vous que je vous dise ?! Elle me regarde depuis déjà quelques secondes droit dans les yeux. On me pousse l’épaule. "Vas-y !" qu’ils me disent. J’ai jamais été très courageux et c’est pas maintenant que je vais le devenir. Et puis, j’ai pas envi de danser et j’ai chaud en plus ! C’est ça les copains, ça débordent de conseils et c’est incapable de se les appliquer à soi-même !
La nuit est belle, les étoiles commencent à scintiller dans le firmament. Une légére brise se léve, j’ai déjà moins chaud. Et les corps dansent, dansent sur le parquet qui craquent. Les imbéciles, danser cela sert strictement à rien mais pourtant, elle me regarde toujours. Alors, mon corps me trahit, ce corps idiot, les muscles de mes jambes se contractent,je me léve.
Marche inexorable vers ce beau regard, je n’entends plus les sifflets de mes amis, mes oreilles bourdonnent, la musique fait vibrer mon ventre. Je tends la main, pétrifié par son regard de Méduse, elle pose sa délicate main dans la mienne.
Des frissons montent de ma main au haut de ma tête, la légére brise, le goût âpre de la biére, la musique, mon cœur qui bat plus vite, le bruit des pas des danseurs, son parfum au jasmin, sa robe rouge, le bruit de ses talons, ses yeux et si ma grand-mère savait tout cela, que dirait-elle ?!
Nous dansons, enfin ! En fait, j’aime ça danser ! Elle pose sa fragile tête contre mon épaule... Ou trouver les mots pour décrire une chose si forte quand les mots ne suffisent pas ? Je ne fais plus qu’un avec ce parfum au jasmin. On dit que l’amour s’ancre dans le visible, je n’y crois pas. Il y a autre chose, d’où Cupidon l’aveugle a-t-il forgé ces fléches ? Voila la vrai question. Qui sait y répondre ? Peut-être un de ces danseurs, peut-être les étoiles ou peut-être ma grand-mère. Qu’en penses-tu ma Sophie ?
Peut-être suis-je fou ou ivre ? Et pourtant nous tournions, nous dansions, nous sautions et j’oubliai, tu oubliais le monde, les copains, ma grand-mère, les étoiles.
J’en avais assez de danser, on est aller un peu plus loin, on voyait encore la guinguette et la musique arriver encore à nos oreilles de notre banc. Nous étions seul, maintenant. Face à nous, le monde de la guinguette, illuminé, criard, ivre et notre monde, à nous deux seulement, un petit banc, la nuit, l’herbe, la brise et le gargouillement du fleuve. Il fait nuit mais je vois encore ses lèvres rouges et je sens encore son parfum. Je l’aime, je crois. J’ai envie de l’embrasser, oserai-je ?
Et là, le noir, l’oubli, je ne me souviens plus de rien. J’ai peur, messieurs les juges. Je ne sais pas, peut-être. En fait oui, je crois que je l’ai tué ma Sophie... Ma pauvre Sophie et ma pauvre grand-mère... Je n’ai plus de souvenirs, je ne sais plus comment je suis arrivé ici. Emprisonnez-moi,tuez-moi car je ne sais plus.
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Sophie
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