Chaque jour, assis sur le bord du chemin il contemplait la plaine les yeux remplis d’azur et le cœur vagabond. Jamais il ne parlait de sa vie ni de ses rêves mais dans le ciel de ses yeux naviguaient des paysages lointains, des îles enchanteresses au reflet de soleil et au parfum capiteux de fleurs de tiaré...
Alors je l’ai laissé partir.
Quelques vêtements, une gourde, un sac léger et il a pris la route sans regarder derrière lui. Quelques pas avaient suffit, il m’avait oubliée et partait vers nulle part, terre d’exil, terre promise, terre lointaine où le vent n’apporte que de doux murmures et où le ciel est plus bleu qu’ici.
Je l’ai vu s’éloigner, serrant contre mon cœur une photo de lui du temps où un sourire de moi suffisait à sa vie.
Il a vécu comme il a pu, de bateaux en bateaux, de trains en trains, croyant toujours que la prochaine escale serait la dernière île, croyant toujours que la prochaine femme serait son dernier port.
Par un matin d’hiver, il m’est revenu mais c’est à peine si je l’ai reconnu. Le temps, comme une rivière érode les rochers, avait usé ses traits. Il n’était plus que l’ombre de celui que j’avais tant aimé, son sourire était mort et ses yeux devenus gris ne reflétaient plus que l’ombre de l’accablement.
En silence, il s’est approché de moi mais quand il a posé ses lèvres sur les miennes, c’est à ce moment là qu’effrayée j’ai ressenti l’abîme de son âme.
Ses mains s’étaient flétries comme deux roses desséchées, elles me caressaient me glaçant de leur mort, sa peau contre la mienne ne me réchauffait plus.
Alors j’ai brûlé la photo du temps des jours heureux et puis, je suis partie...