Des tâches lumineuses venaient gâcher le noir opaque de ses pensées.
Même ça elle le faisait mal : déprimer.
Pourtant rien vraisemblablement ne pouvait relâcher le boa constrictor qui étouffait son âme. Elle était passée jusque là par tous les stades imaginables et même inimaginables du désespoir.
Seule sa santé avait été épargnée.
Il faut dire qu’elle avait une hygiène de vie respectable, d’ailleurs toute sa vie le fut : respectable.
Jusqu’à ce soir... elle n’avait jamais touché une goutte d’alcool. Dans son millieu, le champagne n’étant pas assimilé à de l’alcool. En revanche la vodka qu’elle descend depuis deux heures et la tête qu’elle se paye à présent assise au comptoir des "Villas Du Lagon", là son père la qualifierait de "poch’tronne dévergondée exhibitionniste délabrée comme ta mère, paix à son âme". Le tout étant une injure dans son intégralité.
Tess est une jeune femme qui ne demande rien d’autre que la vie cesse de se payer sa tête.
Ayant agit en concordance toute sa vie avec les valeurs inculquées par son père. Puisque les repères sont des barrières dans sa famille... elle est née prisonnière et modèle elle grandit. Pour Tess la vie se devait de reconnaître son parcours et elle devrait être heureuse. Mais voilà que le bonheur n’était pas autour d’elle, puisque lorsque les portes de sa prison dorée s’ouvrirent elle ne se reconnut plus...
Autour d’elle, des corps blanchâtres rosissent sous un soleil agressif, un couple de touriste allemand se demande si le gecko de "Manapany" était bien endémique à ce petit coin de l’île... même elle, ayant grandit sur cette île ne savait rien de ce petit lézard vert et encore à ce moment ou peut-être plus encore à ce moment, elle en avait rien à faire.
Tess voudrait rentrer, le soleil coule à peine derrière la barrière de corail, des vaguelettes viennent mourir en lèchant les pieds des joggers, cette image elle ne le voit pas du comptoir de l’hôtel, elle le devine. Ce genre d’images indélébiles, elle serait incapable de dire à quel moment de sa vie elles sont venue se dessiner sur les parcelles de sa mémoire.
Ayant habitée dans une villa construite sur la plage de "L’Hermitage", un quartier riche de "Saint-Gilles Les Bains", chaque coucher de soleil amenait son flot de jogger.
Elle aurait aimé se débarrasser de ses cons courant dans ses souvenirs.
Son père la tuerait si il surprenait son bébé la tête plongée dans ses bras et le nez limite collé au comptoir.
Depuis un an elle assiste son père dans son entreprise d’importation de débilités en tous genres, meubles d’indonésie et bibelots de chine achetés une misère à des miséreux et revendus à un prix exorbitant à l’élite Réunionnaise.
Tess est connue dans ce lieu chic, connue comme étant la fille de... Et elle sait que c’est la première fois qu’elle s’offre à voir d’une manière si minable au barman et que dirait le directeur de l’hôtel à son père. Au point où elle en est évidemment, elle s’en fout.
Le temps passe et la chaleur nocturne étrangle. La vodka aussi. Elle débute et chaque gorgée est un supplice qui lui arrache un toussotement.
Tess déteste la vodka, elle ne le savait pas puisqu’elle n’y avait jamais goûté.
Un an de solitude dans son appartement de haut standing.
Tess aime la compagnie des gens, elle ne le savait pas puisqu’elle n’y avait jamais goûté.
Puis elle le rencontra, il est venu occupé sa vie et son cœur.
Tess n’aime pas l’amour, elle ne le savait pas puisqu’elle n’y avait jamais goûté.
Mais maintenant qu’il est parti...
Elle revoit sa mère partir enroulée dans un drap blanc...
Elle revoit son enfance partir sous les ordres d’un père autoritaire...
Elle revoit son adolescence solitaire partir dans le ciel bleu au travers les vitres de sa chambre...
Elle voit sa vie d’adulte... et elle n’y comprend rien...
... et ces cons qui courent sur la plage.