Les Moldus au bureau.
Rassurez-vous, je ne compte pas faire une série "les moldus" (ni à la plage, pourtant là aussi, avec ces malotrus qui te volent le seul coin d’ombre.. ; ni au ski, d’autres Bronzés s’en sont chargés ; ni à la campagne, ah non ! ras-le-bol du cirque électoral.. (mais faut avouer qu’il est tout autour de nous, le cirque et son zoo.. ne dit-on pas les zozos) ?
Où en étais-je ? Ah ! oui..
Fou, moi, parce que je cherche à rester éveillé ?
Et je ne sais pas pourquoi mais en réfléchissant à ce qui va suivre j’ai pensé au livre "Chair et cuir" de Félicien Marceau (encore un Belch’ 1 X !). On en a fait une pièce de théâtre puis un film en ’72 : L’œuf, avec Guy Bedos, Jean Rochefort, Marie Dubois, Bernadette Laffont et Michel Galabru.
J’ai lu ce livre à 18 ans et il m’a fasciné, je l’ai lu et relu des dizaines de fois, je l’ai prêté, donc perdu, racheté, prêté, perdu,.., jusqu’au jour où il était épuisé... désespoir... Pendant des mois je me suis arrêté à chaque librairie croisée en Belgique, en France, .., jusqu’au jour où je suis tombé sur un lot de 5.. je les ai tous achetés, j’en ai offert 4, je garde mon exemplaire précieusement..
Pourquoi fasciné ? Parce que je m’y suis trouvé.. dans le sens où il m’a permis de comprendre qu’on peut avoir l’impression de ne pas être de ce monde, ne pas adhérer à son implacable logique et pourtant y évoluer.. Important cette découverte là à 18 ans, non ?
Depuis, je me suis servi de ce recul là dans ma vie professionnelle, fort utile...
En résumé : Voici un homme, Emile Magis, qui ne croit pas à la logique de la société ou plutôt à ce qui gouverne ‘les gens’ à savoir tout un système de raisons, de principes (doctrines, croyances, idéologies,..), d’idées reçues qui donne de l’homme une certaine image.. dans laquelle Emile ne se retrouve pas.. il s’en sent exclu..
Hourra ! Je ne suis plus seul à avoir cette vision là du monde..
Face aux préjugés, aux phrases ‘entendues’ toutes faites, face à la dictature des ‘vérités’, des ’certitudes’, du ‘bon sens’,.. ..ne m’y reconnaissant pas, n’étant pas prêt à tout ‘gober’, tout croire, tout suivre, sans réflexion critique, comprenant qu’il repose en partie sur des préjugés et des mensonges, j’en ai conclu que le système est faux. Et que si l’on n’y adhère pas aveuglément, on se retrouve seul devant un monde clos comme un œuf..
Et cela commence comme cela :
[ "Il se réveilla frais et dispos", voilà d’où je suis parti. Voilà la brèche par où tout a passé. La phrase clé. La phrase qui m’a permis de voir clair. De déceler l’imposture. Sans elle je serais encore là, je ne sais où, comme un imbécile. Exclus, rejeté, seul enfin. Seul et perplexe, seul et désespéré devant un monde pour moi clos comme un œuf. A ne rien comprendre. A croire que. Alors que la réalité est que. Partout les gens les gens qui vous parlent, les gens dans le métro, les journaux. Comme si tout le monde se réveillait frais et dispos. (..) ... Comme si c’était une chose fréquente, normale, naturelle. N’est-ce pas ? Parce qu’enfin, une phrase qu’on rencontre si souvent, on est bien forcé de penser qu’elle n’évoque rien d’exceptionnel, rien de curieux..
Or moi, voilà la chose, jamais je ne me suis réveillé frais et dispos... ].
Et là commence l’interrogation : suis-je une exception, un être unique, que penser dès lors que je ne me reconnais pas dans ces maximes, ces postulats, ces présomptions... ..dans ces clichés...? Suis-je devant un œuf duquel je suis exclu dès lors que je n’adhère pas à ces préceptes pré-mâchés qu’on t’impose dans le ‘grand conditionnement’... tous ces faux véridiques à force de les ressasser...
Un autre exemple : il ramène chez lui une jeune dame abandonnée par son ami, c’est la nuit, elle n’a pas d’argent pour rentrer chez elle en province... et l’équation est : un homme + une femme + un lit = xxx.
Combien de Moldus (du sous-genre "Tarzan") ne se vanteront pas le lendemain de la nuit la plus inouïe jamais vécue dans l’histoire de l’humanité ?
Le système voyez-vous.. Comme si le résultat de l’équation s’imposait, inévitablement alors qu’il existe des centaines d’autres alternatives..
Moi-même je me vois bien lui offrir une douche, un bon repas, la laisser se reposer et puis l’écouter parler toute la nuit..
Mais non, le lendemain Emile poussé par le système, non pour se vanter, mais pour s’y intégrer, prétendra une nuit paradisiaque, juste pour ne plus se sentir exclu, juste pour se sentir, un court instant, accepté par les ‘moldus’..
C’est vrai quoi !? Qui dira le contraire : un homme, une femme, un jardin, un banc public, elle lui demande l’heure = un lit... il fait beau, l’air est à l’exacte température de leurs peaux, l’ambiance est aux confidences et puis il y a, forcément,la magie qui doit opérer..
Bon, les ais-je jamais vus ? L’ais-je jamais vécu ? Non, cependant...
Attention ! Ce ‘cependant’ là est déjà le système..
‘Cependant’ toi-même ! Toi qui ne regardes pas les alternatives, toi qui vois et vis le monde avec les œillères du conditionnement, des normes, des a priori et autres partis pris..
Toute conclusion, tout ‘calcul’, toute déduction est hasardeuse..! La seule certitude est qu’on n’est jamais sur de rien (tiens cela me fait penser à une chanson de papy Gabin). Parfois vraie, parfois fausse, jamais inévitable, jamais ! Un autre total est toujours possible !
Mais il y a la ‘vraisemblance’ : "au fond, pourquoi pas, c’est possible après tout" et de là on se fait tout un cinéma, on tombe dans le travers, dans le piège de l’implacable logique.. c’est cela qui est trompeur et qui fait que le système est, pour moi, faux..
Le pire c’est lorsque le système te fait douter de toi : une femme, toi, un lit.. Mauvais total, rien ne se passe comme les lois de l’espèce, l’empire de la chair, l’imposent..
Alors quoi ? Suis-je anormal ? La nuit tout n’est-il pas possible ? N’est-ce pas seulement au petit matin, dans la lumière diffuse que s’estompent nos noirs désirs ?
Avouez.. n’est-ce pas là une belle croyance-a-carapace-inoxydable ?
Et si, comme Emile qui n’ose pas raconter la vraie fin, d’autres préféraient embellir leurs histoires ? Et si le monde s’était construit, depuis la nuit des temps, sur ces mensonges, anodins, bien entendu, mais faux.. Grand papy Erectus qui craint le ridicule et qui change la fin de sa chasse, de ce jour qu’il préfère oublier et taire où il s’est fait plumer par un ptérodactyle ? Le mensonge d’Emile, les miens, que je fais à cause du système... ne nourrissent-ils pas le système en le renforçant ?
Le système existe : un homme, une femme, un lit... une nuit d’amour ça existe.., ..ou pas.
Le système existe, donc, mais est-il vrai ?
Là est la question..
Là est le démarrage de ma propre interrogation devant l’œuf.
Très vite j’ai compris que les alternatives sont peu nombreuses : soit on refuse de jouer, soit on triche, dans les deux cas on s’exclut ou l’on est exclu..
La solution n’est-elle pas, comme pour n’importe quel jeu, de s’intéresser aux règles, aux mécanismes, à la logique pour, non seulement survivre, mais également y évoluer dans une relative liberté ?
Mon but à moi est de savoir et de comprendre, de donner à chacune de mes expériences, à chaque événement, à chaque rencontre, son importance véritable et non celle que lui attribue le système..
Pourquoi ma première ‘Boum’ n’aurait-elle pas autant d’importance que mon premier boulot ? Tout est relatif, nous sommes d’accord là dessus et chacun à son propre système métrique..
Je pourrais écrire deux pages sur les émotions ressenties lors de la première soirée organisée dans mon garage, avec les parents à l’étage et le bisou d’Annie.. Mais alors, pour respecter la logique, je devrais écrire combien de centaine de pages pour raconter ma première expérience professionnelle qui m’a tant écœuré et pourtant tant appris sur le fonctionnement du ‘système’ ?
Je me suis forgé ma ‘vérité’ et je m’octroie le droit de la dire, j’en ai besoin, question de survie.
Je peux me tromper, et puis ? J’adore le débat contradictoire, les occasions d’apprendre.
Dans un système où il faut se montrer fort et sur de soi, je ne crains plus d’exprimer mes doutes, de me remettre en question et de rester ouvert.. je suis dans mon œuf, pas le leur, et j’y accepte qui je veux..
J’ai ma vérité et son corollaire : ma liberté.. et je ne laisserai jamais personne me les prendre.
Pire, je suis du genre à inciter l’autre à suivre sa vérité et son chemin..
N’est-ce pas ce qu’on appèle le respect ?
La vie.. Pfff !
La vie, trop de gris avec de rares illuminations, du mou, beaucoup de mou.. avec parfois du dur (genre tuile, bec de gaz, coup de pied au cul..).. la vie n’est pas grand chose d’autre si l’on ne se donne pas la possibilité de s’y frayer son propre chemin, d’y trouver ‘sa’ vérité.. pour colorier le gris, pour passer de pas grand chose à des projets plus utiles (fut-ce pour soi).. faire du grandiose avec de l’odieux, dès lors que tu regardes autre chose que tes pieds pour t’assurer rester dans les sentiers battus et les traces du rang...
(à suivre... Où les Moldus m’assassinent au bureau..)