J’en ai marre de moi, je vais me séparer.
De, de...
De moi.
Quelque chose m’échappe.
C‘est pourtant simple, je ne me supporte plus. Oh, ça a commencé très tôt, à la naissance, je crois bien. Quand on m’a coupé le cordon, j’ai ressenti une étrange déchirure, comme si mon moi avait gardé un pied dans les limbes, le monde de l’incréé.
Un pied dans le ventre maternel, en somme.
Un peu. En effet, le monde utérin est sans division. Hélas tu nais, et tout se morcelle, et tu passes ta vie à chercher à rassembler les morceaux.
En somme, si tu te sépares, hum de toi, -j’ai du mal à avaler cette idée- tu ne feras que disperser un peu plus les pièces du puzzle, comme si tu donnais un coup de pied dans la table où tu l’as mis en chantier.
Je sais, mais à force de buter sur l’ajustement des morceaux, il me vient parfois l’envie de ce coup de pied rageur.
Mais très destructeur.
Tous les couples divorcent, je m’en remettrai.
Les couples épanouis sont ceux qui traversent ensemble les épreuves.
Les couples bancales gagnent à se séparer. D’ailleurs, je ne suis pas deux, mais plusieurs, beaucoup peut-être même, je ne suis pas sûr. Pas une infinité, non, ni même mille morceaux qu’on ne sait plus recoller. Mon moi est comme un passant qui avance sur une allée dallée. Il se pose de dalle en dalle, et chaque pas est un moi différent qui abandonne derrière lui des fragments d’une entité qui ne recomposeront jamais.
Si tu te sépares, que te restera-t-il ?
Cette question m’angoisse, et c’est pourquoi je remets toujours la séparation à plus tard. Le moi que je voudrais conserver -avec moi- m’échappe à l’instant même où je crois pouvoir le connaître et l’aimer, pour laisser la place à un autre qui s’évanouit déjà alors que je commençais à peine à circonscrire ses revendications. Le passant que je suis risquerait de se retrouver un pied dans le vide, et pas de dalle pour poser sa prochaine foulée. L’anéantissement est la seule issue probable.
La seule issue est le mariage pour la vie. Tous ces mois volages sont une seule et capricieuse fiancée. Convie la à la noce.
Tu crois ?
Ne sois pas si pressé d’atteindre la félicité d’une union complète et parfaite de tes mois.
Ça voudrait dire que je suis arrivé au bout de ma vie ?
Je le crains.
Le plaisir est dans l’épreuve, n’est-ce pas ?
Peut-être.
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