Elle frémit. Frisson qui court et qui la parcourt, frôlement de son essence qui s’étale peu à peu, au fur et a mesure qu’elle poursuit son chemin, hésitante, tremblante. Comment est elle arrivée là ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus.
Un jour, une nuit, elle s’est retrouvée dans cette large plaine. Tombée du ciel, tombée des nues ; la chute fut douloureuse, arrachant son âme et brûlant son corps, mais elle n’avait rien d’autre à faire que d’avancer, après tout. Peu importe comment elle était arrivée, elle ne se rappelait même pas quand elle avait commencé à se poser la question ; elle était là, parmi d’autres, comme elle, parmi tant d’autres, comme elle, perdus, comme elle, à glisser sur la large surface de son horizon, comme elle, comme elle.
Etrange roulement que les heures de son existence ; toujours les mêmes, à croiser les autres, faisant un bout de route avec elle, s’unissant avec certains, éclatant soudain sous la pression des autres, alors qu’elle suit une route qui lui semble toute tracée malgré les choix qu’elle pourrait faire.
Rencontres, créations, ces semblables qui arrivent de nulle part dans sa vie, tombés du ciel, tombés des nues.
Tout ces compagnons de route qui s’arrêtent en chemin, ces visages qu’elle avait pris l’habitude de voir à ses côtés et qui soudain s’éteignent, s’interrompent dans leur route, mais elle n’y prend pas garde, elle continue, après tout, il y en aura d’autres après, non ? Ils sont tant sur cette plaine, tant à chercher quoi, à chercher qui ? Simplement à être là.
Puis, un jour, la fin du voyage ; le bout de la plaine, au-delà de l’horizon. Malgré les fatigues, les doutes, les peurs, les joies et les haines, elle y est arrivée, elle a réussi. Ultime sursaut de questions : réussi quoi ?
Peut importe, après tout. Elle ne regardera pas derrière elle, non ; elle franchira l’horizon, et s’éteindra avec les dernières lueurs du couchant.
Elle n’avait pas de raison d’être là, pas de raisons de ne pas y être ; elle y était, elle n’y est plus. C’est tout.
...
Pluie, goutte, vie, doute...
La fillette se renfonça dans son siège, bercée par le lent ronronnement de la voiture. Une gouttelette après l’autre, elle les suivait du regard, les soutenant, les exhortant à avancer, comme si ses yeux d’enfants pouvaient changer le vent, changer le destin, changer la vie et les tourments...
Doucement... Elle détourne le regard, laisse papilloter ses paupières, glisse lentement dans le sommeil.
Peut être... Peut être qu’elle rêve... Peut être que quelque part, loin d’ici, il y a aussi une enfant qui la suit des yeux, qui l’encourage et l’exhorte à continuer à braver la pluie, elle aussi...
Elle, petite goutte de vie...