Camille est une petite fille de six ans plus blonde que les blés au plus chaud d’un mois de juillet. Nous y sommes au mois de juillet. Et il fait chaud ; une de ces chaleurs épaisses, étouffantes. Le soir venu, il n’est pas d’endroits où il ne brûle encore de la chaleur du jour. Les nuits ne valent plus que pour obscurité.
Maman doit subir une intervention chirurgicale. Selon les médecins mieux vaut opérer sans tarder. S’en est donc terminé du projet de vacances. Le propriètaire de la location s’est montré compréhensif. Il retourne les arrhres dès la semaine prochaine. Il a fallu expliquer à Camille. Moins longtemps que prévu. Camillle n’a qu’un seul souhait, que Maman guérisse. C’est décidé, pendant l’hospitalisation Camille ira chez l’un de ses oncles, le frère aîné de Madame. Il saura prendre soin de la petite crevette, comme il l’appelle. La petite est frêle et menue ; généreux et large est son sourire. Cette enfant est un oasis de douceur...
Maman est toute chose... Mi triste, complétement pensive. Inquiète et attendrie. Elle prépare le linge pour Camille. Elle repasse les petites jupes et les chemisiers fleuris ; d’un tour de main fait disparaître deux soquettes couleur cerise en une seule pièce de tissu moëlleux. Avec soin elle plie les petites culottes en coton. De la buanderie Maman regarde Camille qui joue dans le jardin à l’ombre du catalpa. Elle joue à la marchande. Deux petits tas de sable sur lesquels repose une planche de bois suffisent à donner réalité à un comptoir de bazar. Et quel bazar... Demandez, on trouvera... Ici il y a de tout ; jusqu’aux clients indélicats, et, combien même aurait-on précocément la bosse du commerce, voilà que l’on se reléve, qu’à la facon des dames on pose deux mains sur les hanches : M’enfin il m’énerve celui-là... Et Camille de pencher la tête d’un air dépité avant de tourner les talons. Et Maman de sourire...
Le sac de camille est prêt. C’est l’heure du goûter. Tartines sucrées et jus d’orange bien frais. Maman regarde l’horloge de la cuisine ; dans une demie-heure Tonton sera là.
Maman aperçoit vaguement Camille. L’enfant dodeline d’une main à l’arrière d’un véhicule qui disparaît dans un nuage blanc. Sur ce nuage s’ouvrent soudain une boutonnière, une poche puis un badge. Sur le badge le prénom de l’infirmière. Maman se réveille.
L’opération s’est bien passée.
Camille et Tonton sont venus rendre visite à Maman cet après-midi. Tonton était aimable, attentionné, comme à l’ordinaire. Camille était lointaine, impressionnée sans doute. Maman ressemble à une marionnette sous son écheveau de perfusions. Pour Camille Maman a demandé à ce que la visite soit écourtée.
- Je sors après-demain, ce ne sera pas très long tu sais Camille.
- C’est quand après-demain ?
- Dans deux jours Camille. Une nuit puis une autre nuit, lui montre t-elle sur les doigts, et Maman revient à la maison.
Maman fait promettre de ne pas revenir la visiter. C’est gentil mais mieux vaudra demain un petit coup de fil. Ce sera mieux pour Camille.
L’oncle et la petite quittent la chambre. A reculons pour camille qui regarde Maman pendant que son oncle la traîne affectueusement par la main. Maman se repose puis glisse vers le sommeil.
Camille et Maman ont retrouvé la maison. Deux mois déjà. On le sait maintenant Maman n’a jamais été malade. Après analyses cette tumeur était bénigne.
Camille, elle, n’est plus la même. Maman le voit. Maman le sait. L’institutrice, un peu tendre, rougit encore d’avoir seulement à susurrer le moindre commentaire au sujet des dessins que lui remet l’élève.
La psychologue a mis un nom sous le Tonton Fantôme dont lui parle si souvent Camille.
Il a fallu penser l’impensable pour ensuite se rendre à l’évidence.
Perversité mise à part, Tonton et Tonton Fantôme ne font qu’un.