Deux portes, deux mondes, deux personnes. Deux filles si différentes, si opposées et si semblables. Le négatif l’une de l’autre, une même pensée, une même vie. Deux visages, un sourire et une larme. Une joie, une innocence, une insouciance à peine dissimulée. un regret, un effacement, des pensées intériorisées.
Une pièce, où la première danse, joyeuse, heureuse, dans une robe blanche qui l’illumine, et un sourire vrai. Une apparence réelle, non feinte, l’innocence personnifiée, l’enfant qui a cessé de grandir mais sans les soucis d’un autre temps, d’un autre jour. Dans l’antichambre sombre dont la lourde porte de bois est entrouverte et laisse passer cette vision de joie, l’autre, dissimulée dans l’ombre, observe, immobile, le visage impassible et inexpressif, si ce n’est un léger sourire devant cette insouciance, un sourire plein de regrets de ne plus espérer, de ne plus rêver, d’avoir perdu tant d’illusions et de ne plus rien faire d’autre que de penser en intériorisant, en restant seule, irrémédiablement et nécessairement.
Sait-elle seulement qu’elle est ici, tapie dans l’ombre à attendre, à ne plus espérer de passer cette porte infranchissable ? Elle regarde seulement la soeur de l’Ange, la seule qui put un jour passer les grilles dorées de ce Jardin, alors qu’elle-même avait pour simple refuge le bord de la fontaine de glace.
La musique ne s’était pas arrêtée, dans l’autre pièce. Mais elle s’était levée, et était apparue a côté de Lyssia. Même dans la pénombre, elle semblait illuminer comme un rayon de soleil. Toi qui respire la joie de vivre, le sourire sans cesse sur les lèvres, pourquoi pretes-tu attention à moi qui suis condamnée à rester dans l’antichambre de tes pensées ? Tu ne parles pas, mais tu souris, encore, avec les yeux, moi qui ne dis jamais rien et qui ne fait que penser sans penser. Cette enfance que j’ai perdu, tu l’as toujours, toi, en ton cœur et en ton esprit.
Tu sais que je ne te suivrais pas. Je préfère juste suivre mon propre chemin, dans le regret et dans la peine, tant que toi tu ne souffres pas. Alors tu souris, et sans m’effleurer tu te retournes et retourne vers la lumière auprès de tous ces autres, me laissant seule encore ce soir, et comme tant d’autres. Mon sourire s’efface alors, mes yeux reprennent ma tristesse, et je m’asseois. Toi, debout, en train de danser au milieu de tous ces autres, joyeuse, comme si tu m’avais déjà oubliée. Alors je ferme les yeux, et un pâle sourire fait son apparition : tu m’as oubliée, et tu danses. Ton bonheur est tout ce qui m’importe et je veux conserver ton insouciance tant que possible, à toi qui me permet encore de rester ici, alors que j’aurais du partir depuis si longtemps déjà...