Un monde, normal, paisible, actuel, serein, connu... Un monde dans lequel elle participe, dans lequel elle vit, dans lequel elle évolue... Un monde entouré de tant de personnes, de tant d’affection, de tant d’histoires... Un monde en construction, auprès duquel elle se laisse flotter, doucement.
Puis un jour, un éclat de rire lui parvient aux oreilles. Debout, marchant sur le chemin, le regard droit devant, elle porte ses yeux en arrière. Des personnes, derrière, en train de poser des pierres, l’une par-dessus l’autre, en souriant, en riant, sans elle. Un chemin qui se construit, en travers du sien, à l’écart d’une vie, lointain dans un passé, lieu qu’elle semblait connaître pour se rendre compte que ce n’est au final que désillusions et perte de connaissance. Un monde qui se construit jour après jour, avec ces hommes, ces femmes, ces enfants. Mais sans elle.
Cet éclat de rire lui parvient aux oreilles, la fait frissonner comme si la chaleur d’été s’en était allée, une ombre passe sur son visage comme si la lumière du jour s’enfuyait. Le regard vague, elle suit ce son mélodieux qui la mène sur une autre route, qu’elle-même a tenté de batir, à laquelle elle pensait avoir participé, il y a longtemps. Une route remplie d’éclats de rire, d’éclats de voix, de larmes et de joie. Une route illusoire, empreinte de tristesse et de mélancolie, quelque part lointain dans le passé.
Une voix, un dialogue, un rire, un visage, un inconnu quelque part, un homme, une femme, un enfant, toujours ensemble, toujours prets, toujours un groupe, le même, l’ancien, des gens qui viennent et qui partent, un changement, une vie... En mouvement. Et être spectatrice de cela, un jour, être frappée par tant d’indifférence, la sienne, la leur, et se demander pourquoi être ici, pourquoi partir, pourquoi être là-bas, pourquoi rester debout, pourquoi s’asseoir, pourquoi rire, pourquoi pleurer... Pourquoi sentir le vent diriger son regard vers le passé, les yeux salés, les lèvres bleues, les yeux rougis, la peau frissonnante... Pourquoi ne pas sourire alors, et se retourner pour continuer à marcher, de l’eau sur le visage, un sourire aux lèvres, tourner le dos à tous ces autres qui continueront à batir ce chemin, toujours sans elle... Mais sans son regard.