Je regarde le mur devant moi. Assise à mon bureau, je ne fais rien. Immobile, je me tais. Lyssia est derrière moi, assise sur mon lit. Immobile, elle me regarde en souriant. Je ne la vois pas, mais je le sais.
Jus de citron ?
Non merci.
Quelques mots échangés, sans bouger. Un sourire entre nous, sans ironie. Je me serais bien retournée en lui faisant une grimace pour la faire rire, mais ce n’était pas la peine : elle le savait. Elle anticipait chacun de mes mouvements, chacune de mes envies. Le temps s’était arrêté entre nos deux images supperposées, dans la même position, avec le même regard, avec le même sourire. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Ne vas-tu pas voir ta fille ? Non, car aujourd’hui, l’enfant c’est toi. Aujourd’hui, l’enfant, c’est moi.
Je me retourne vers elle en faisant une grimace, qu’elle me rend au même instant, comme mon propre reflet dans un miroir. Lyssia, tu n’as plus d’âge, ce matin. Tu es hors du temps, mon double et mon autre. Tu n’es ni mère ni soeur. Tu es moi, tout simplement. Tu ne réfléchis pas, aujourd’hui, à croire que cette nuit passée dans la souffrance t’a vidé de toute onde négative. Difficile à croire qu’il y a seulement quelques heures, tu ne tenais pas debout...
Tu ne penses pas, ce matin, mais tu souris. Tu n’as ni peur, ni mal, tu souris. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu souris. Et c’est par ce simple sourire que tu me donnes le mien. Tu penses trop, d’ordinaire, et tu ne laisses pas assez de place pour ces instants comme celui-ci, tu ne te reposes pas assez de tes pensées, tu ne laisses pas l’innocence te gagner, cette innocence qui te ferait tant de bien parfois, et tu oublies trop la recherche du bonheur, des petits bonheurs simples qui te donneraient le sourire.
Lyssia, tu n’es plus une enfant, mais souris.