Vingt minutes. Vingt minutes pendant lesquelles tu as joué dans son salon, à Suzanne, que je ne verrai plus l’année prochaine, elle qui m’a dit au revoir en m’envoyant des fleurs, encore, elle que j’apprécie et que j’aimerais tant revoir, l’année prochaine, si seulement le temps le permettait. Vingt minutes pendant lesquelles, sans bouger, sans parler, juste à regarder cette guitare, et ton visage, et entendre ta respiration, et te voir intérioriser, encore.
Ces discussions autour de toi, toi qui n’entend rien d’autre que ta musique, ces sons que tu produis, cet art éphémère et immatériel, art pur et visible, improvisation de vingt minutes à la guitare, toi qui joue depuis des années, toi qui effleure juste les cordes... Le silence se fait, et tous ont le regard tourné vers toi, maintenant, l’artiste qui maitrise si bien l’écriture, la musique, et l’art visuel de l’illustration. Artiste dans l’âme, cœur cynique, culture impressionnante, pensées intériorisées, j’aurais sondé mille fois ton âme que je ne l’aurais jamais comprise.
Une parfaite maîtrise de ta musique, de ce que tu produis, des cordes que tu manipules rapidement sans donner l’impression de les toucher, et ce son qui s’échappe de l’instrument, toujours, emplit l’air d’une fantastique ambiance inconnue. J’aime te voir jouer, et te sentir ailleurs, seul avec ta guitare, seul avec tes cordes, seul avec ton envie, seul avec ta musique. Et je sais que tu contrôles ce qui se passe en toi, j’entends ta respiration, je te sens intérioriser mais faire danser tes doigts sur l’objet de bois.
Lyssia, dans l’ombre de l’antichambre, pour la première fois, marche vers la porte, marche vers la lumière, attirée par cette musique envoutante, attirée par ton départ pour un ailleurs où toi seul trouve ta voie, ou toi seul comprends et sais où tu nous mènes. Ce voyage immobile, cette envie de nous guider vers la musique attire chaque personne, bonne ou mauvaise, qui se confondent sans distinction de bien ou de mal, sans envie de solitude ou de compagnie. Ta musique nous offre une autre dimention, et lorsqu’enfin tu finis d’effleurer les cordes précieuses, les applaudissements mérités emplissent l’air
Quand te verrai-je jouer à nouveau ? Quand te verrai-je partir à nouveau, seul dans ton monde, uni avec ta guitare dans ta solitude inatteignable, unis si loins mais pourtant à quelques centimètres de moi ? Une performance que toi seul atteint, ou peut-être est-ce parce que c’est toi ? Ce souvenir restera gravé dans ma mémoire, cette soirée des adieux, cette journée passée avec vous deux, puis la soirée, puis les discussions, puis... Vous tous. Demain je ne serai plus là, mais je vous reverrai, j’en suis certaine.