J’ai le souvenir d’une maison enfouie dans les arbres, cachée derrière les cyprès, entourée de platanes, de marronniers et de micocouliers.
Je me souviens aussi de cette large allée menant à la porte de bois qui grinçait quand elle s’ouvrait, cette somptueuse glycine qui s’étalait d’années en années, dont les fleurs me faisaient penser à des anges chevelus et colorés et qui recouvrait la pergola, la faisant disparaître au fil du temps sous les fleurs et le méli-mélo des branches entortillées les unes autour des autres.
J’ai encore en mémoire ces allées bordées de murets , les lézards qui pointaient leur nez entre les vieilles pierres empilées il y a fort longtemps et filaient comme l’éclair se cacher, ces hordes de fourmis travailleuses transportant des charges démesurées, ces abeilles butinant les parfums, les fleurs du vieux tilleul tourbillonnant légèrement dans le vent pour se poser sans bruit et avec tant de grâce sur l’herbe odorante, le grand chêne trônant au milieu du jardin et qu’il fallait soigner à cause des capricornes qui grignotaient son âme.
Je revois la terrasse aux magnolias, où le soleil et l’ombre s’épousaient, se fuyaient, se retrouvaient et transformaient les vieilles dalles en zèbres.
Je sens encore ces parfums de mousse, de pierres humides et d’herbe mouillée.
Je rêve encore de ces matins printaniers quand les bourgeons grandissaient à vue d’œil, pressés d’éclore enfin, de se dorer au soleil pour fleurir au plus chaud de la saison.
Et cette maison, fière, imposante dans sa blancheur, à peine visible du chemin, tellement douillette avec ses cheminées, ses boiseries, ses couleurs chaleureuses et accueillantes, ses pièces en enfilade, témoins vivants de son passé et de son présent, ses couloirs aux parquets craquants et son large escalier que le chat faisait grincer dans la nuit, semant la terreur dans les rêves des petits, ses odeurs de petits plats mijotant dans la cuisine et qui annonçaient le menu du soir.
Et je me souviens des rires d’enfants qui répondaient aux adultes, des silences des soirées d’hiver que seuls les crépitements du feu de bois venaient parfois troubler, du hululement nocturne de la chouette qui habitait le vieux chêne, des nids d’hirondelles dans la vieille grange, des odeurs de foin des champs voisins.
J’entends encore les galopades dans l’escalier, dévalé au matin, pour déguster plus vite le chocolat chaud, la pluie qui ruisselait sur les vitres et faisait « flic, flac » dans le puits de la cour et je sens l’odeur chaude des tartes du dimanche.
Mais j’ai oublié le nom de cette maison et le paradis où elle se cache.
Sans doute dans mon imagination.
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