Là, je vois, devant moi, un paysage de rêve. C’est celui d’une île déserte dans les mers chaude de l’océan Indien. Et à chaque fois que je fermais les yeux, je m’imaginais aller sur place, une sorte de voyage intérieur.
Toi et moi, on était assis sur cette plage, main dans la main et bercés simplement par le bruit des vagues lourdes. On s’était baigné dans une mer turquoise et, ma foi, on se sentait vraiment heureux. Moi, je pouvais te regarder des heures sans me lasser tandis que toi, cachée derrière tes lunettes de soleil, tu me souriais. On était simplement amoureux. On se croyait vraiment seuls au monde, au paradis sur terre et on se prenait pour des dieux. Je garde ainsi, auprès de mon cœur, des moments de bonheur et des souvenirs merveilleux. Ces souvenirs et de ce séjour que nous n’avons, hélas, jamais vécus.
Il y a une semaine, tu m’as envoyé une carte postale réalisée à partir d’une photo d’une plage de l’île Maurice. Une carte où tu m’a seulement écris : bon courage, je pense à toi. J’ai accroché cette carte postale sur le mur, au dessus de mon lit, et je la regarde tous les soirs avant de me coucher. Tu te souviens, c’est là que l’on aurais dû passer nos vacances. C’était avant que l’on ne m’arrête et me mette à l’ombre, en prison.
Quelque soit le délit que l’on commette, on ne peut pas pas reprocher à quelqu’un de vouloir faire plaisir à sa petite femme chérie, en lui offrant un cadeau. Je regrette juste de t’avoir laissé seule, maintenant. Oui, c’est vrai, je m’en veux.
Pendant dix-huit mois, je suis condamné à rester au fond de ce trou, perdant alors chaque jour ma dignité comme une maladie contagieuse, une sorte de fatalité. Je sais qu’il n’y a pas de chemin de rédemption facile ni vain, mais il me reste l’espoir de m’en sortir demain. Il faut croire en un avenir meilleur pour nous deux, un petit pied-à-terre , comme je sais qu’il existe des fleurs qui arrivent, malgré tout, à pousser dans le désert.
Depuis quelques jours, sur un carnet à ressort, j’ai mis par écrit mes états d’humeurs et les projets de voyage que nous avions prévu ensemble. Des projets et des souvenirs de toi déjà lointains et qui hélas s’enfuient, malgré moi, de ma mémoire. Le temps passant, il était devenu, pour moi, indispensable de chercher à les garder sur le papier avec mes mots. Ce carnet et cette mémoire écrite sont ainsi devenus mes seuls liens, me seules racines avec l’extérieur.
J’écris aussi, c’est vrai, pour oublier que je suis là, dans cette prison, me donnant le droit, un temps, de m’évader de ces murs d’indifférence. Oui, je m’imagine alors repousser ces murs et entre-voir la lumière du jour, le soleil qui caresse ma peau et la liberté. Pouvoir ouvrir les portes de cette prison et puis, demain, être dehors pour te retrouver.
La prison n’est pas , c’est vrai, un lieu de rêve et de repos de l’âme. Il y a la promiscuité, la violence, les repas "équilibrés", les couvres-feu et les cris de désespoir de certains détenus. Nul ne sait comment la prison concentre la bêtise et la rébellion, tout comme la poubelle peut attirer les mauvaises odeurs.
Demain, dans trois mois, je sortirai d’ici et je sais que, dehors, je retrouverai ton visage et ton joli sourire. Cette promesse que tu m’as donnée est comme celle que nous avons eu de construire ensemble une nouvelle vie. Oui, la promesse de rassembler nos efforts pour avoir, un jour, notre place au soleil.