Tout d’abord, plantons le décor. Le tableau Olympia d’Edouard Manet. Une chambre d’un hôtel de luxe. Une jeune fille blanche est allongée dans un grand lit douillet. A ses côtés, une servante noire lui apporte un bouquet de fleur.
Que fait cette fille entièrement nue sur ce lit ? Est-elle en train de rêver ? Peut-être qu’elle s’ennuie ferme de son triste sort de dame riche dans un univers colonial ? Ou tout simplement, fait-elle la pose pour un photographe de mode, dans le cadre d’un concours de beauté ?
Non, rien de tout cela ! Elle est ici présente suite à une annonce dans un journal pour une offre d’emploi. Elisabeth, élève sérieuse d’une école de commerce, ne pouvait pas imaginer les événements qui allaient se succéder.
Un poste d’hôtesse d’accueil, une proposition de voyage à la clé, et la voilà partie vers un pays inconnu. Le lendemain de la signature, elle se réveille ici, déshabillée dans ce grand lit à baldaquin. Avec, à ses petits soins, une servante noire.
Elisabeth : Mais je rêve ou quoi ? C’est ça le poste d’hôtesse d’accueil ? J’ai pas du bien répondre aux questions de l’entretien ! Je suis où là ? Pour faire quoi, pour quelles compétences et pour combien de temps ?
Elle se sent seule, loin de tout et de ses copines de l’école de commerce.
E : Elle est bien gentille, la servante, avec ses fleurs, mais bon, moi je vais rater mes prochains cours et l’anniversaire de ma cousine.
Après avoir couvert sa nudité, elle se dit qu’il lui fallait des réponses à ce mystère. Essayons d’engager la conservation avec la servante ...
E : Excusez-moi mademoiselle, vous vous appelez comment ?
La servante : Bonjour Madame ! Mon prénom est Fatima. Il vous faut autre chose Madame ?
E : Parlez-moi de vous ? Vous êtes payée, vous avez des droits ?
Fatima : Moi, je suis comme vous Madame !
E : Comme moi ! Je ne comprends pas ? Allez... arrêtons ici cette mascarade, vous allez m’aider à trouver des vêtements et je vais sortir d’ici ... Et puis ça va barder !
F : Non, il faut rester Madame, il faut rester sinon on ne va pas être payé !
E : Payé ! payé pour quoi ? mais ...
Elisabeth venait d’observer que la transpiration de la servante avez fait apparaître de la peau blanche sur son front noir ...
E : Mais vous êtes qui ? Vous n’êtes pas noire ? Je veux des explications ?
Cette servante, devant elle, paraissait déstabilisée mais avait aussi changé de voix ...
E : C’est pas possible, c’est toi Roger ? Mais pourquoi tu es là ?
Roger : Ben...tu sais que je suis acteur !! Il restait le rôle de la servante noire, alors moi j’ai pris...
E : Mais pourquoi tu ne m’a rien dit depuis le début ?
R : Nous avons été embauché pour réaliser des reproductions de tableaux célèbres ! Toi, tu n’as pas du lire les petites lignes en bas du contrat ? Le projet est financé par le Ministère de la Culture, et les images sont diffusées sur le câble. Si tu avais arrêté de te plaindre, ce tableau serait déjà fini !
E : Comment ça le câble ? Mais où sont les caméras ? Elles sont ici ? Là ? Papa ! Maman ! Je suis là ! C’est moi Elisabeth, votre fille ! Vous pouvez être fier de moi ! Je suis une actrice maintenant. Eh oui ... je n’ai pas de costume ... En fait, ils ont mis tout le budget dans les décors !
Tout à coup, arrive dans la chambre le metteur en scène du projet.
M : Bon ... allez on se dépêche ... remettez-vous en place ! Ok ... tableau Olympia de Manet ... attention ... Coupez ! Elle est bonne ! Maintenant, on va changer de décor ! Après Manet, Renoir. Vous deux, quittez la scène et revenez demain pour vous faire payer !
Elisabeth, à moitié nue, se retrouve hors des studios dans la rue avec Roger.
Un policier l’interpelle.
Le policier : Vous là ! Vous avez vos papiers ?
E : Moi ? Mais je suis la princesse Olympia de Manet !
Le policier : Et moi, je suis la Joconde ! Allez, embarquez-moi ces deux prostituées ! Je vous jure ! n’importe quoi pour se faire remarquer.
Le retour à la réalité a été dur pour elle. Un séjour en prison sponsorisé par la Ministère de la Justice. Son meilleur rôle ! Hélas il n’y avait pas de caméra ! Une convocation chez le directeur et une belle paire de claque par sa mère.
Devoir faire un choix entre le cœur et la raison, entre exercer un métier concret ou réaliser ses rêves ? Aujourd’hui, Elisabeth a compris la leçon : elle est maintenant sage comme une image.