Elle le cherchait depuis si longtemps.
Au début, il lui manquait de temps en temps. Il lui suffisait alors de s’efforcer à penser à autre chose. C’était assez facile ! Ces efforts pour fuir étaient d’ailleurs aisés et sans encombres. C’était l’époque de l’insouciance, du sérieux mal dégrossit. Son potentiel d’amour était limité par sa capacité à butiner tout un parterre de fleurs chatoyantes.
Puis, peu à peu, ses pensées vagabondèrent dans la même direction.
Elle se surprit à ressentir l’envie de partager les moments de sérénités, de bonheur, et lorsqu’elle se sentait partir en glissant vers la mélancolie, elle aurait voulu s’accrocher à des lèvres pour ne pas sombrer.
Maintenant, la violence de l’absence se faisait plus cru. Elle la ressentait jusque dans sa chair. Elle laissait de longues traînées de griffes dans son ventre. Sa respiration devenait difficile, l’air qui envahissait sa poitrine se faisait alors abrasif. Il déchirait sa gorge et asséchait sa bouche.
C’est alors qu’elle décida de commencer sa quête.
Elle partît toute enveloppée de mousseline et de toile de coton vers d’autres horizons.
Sa première destination l’amena dans un étrange pays. Il n’y avait que des femmes. Tous les hommes étaient partis se battre à la guerre. Allait-elle pouvoir le rencontrer ici ? C’était fortement improbable. Elle repris donc la route.
Le voyage fut long et semé d’embûche. Elle avait dû traverser la ligne de front sous les cris des soldats, avec la douleur du feu, l’odeur du sang, la moiteur de la peur et la crasse de la mort. Elle arriva dans des contrées plus hospitalières.
Elle entra dans un charmant village fleuri et étonnant. Les maisons étaient construites en bois de rose. Chaque volet était orné d’une fine marqueterie. Des tuiles en porcelaine recouvraient chaque toit. La flore du village était constituée de différentes essences avec de nombreuses variétés d’orchidées, toutes sortes de rosiers venaient agrémenter les jardins et les balcons.
Il doit être ici, se dit-elle !
Elle se mit alors à examiner chaque maison, chaque rue. Mais elle ne rencontra pas âme qui vive ! Le village était pourtant magnifique et cela devait être si agréable d’y flâner dans les rues au bras de son bien-aimé.
Elle pénétra dans une maison où elle trouva un vieillard nostalgique. Il n’avait pas voulu partir avec les autres. Ils avaient fui le village car la guerre était à ses portes. Le conflit se rapprochait chaque jour davantage et serait bientôt là.
Elle interrogea le vieillard : « L’avez-vous vu ? Parlez-moi de lui ! »
Le visage froissé sembla s’animer. Il désigna un point à l’horizon : « Tu le trouveras au-delà du fleuve après avoir traversé les montagnes de neige ! »
Et elle se mit en route. Elle atteint bientôt le fleuve. Il était en crue et ses eaux bouillonnantes terrifiaient les voyageurs.
Elle décida d’attendre que la décrue s’amorce et que la fureur des eaux s’apaise. Pendant ce temps, elle confectionna une petite embarcation faite de roseaux et d’un peu d’argile. Lorsque le fleuve eut un niveau plus raisonnable et une humeur plus conciliante, elle mouilla l’embarcation et se dirigea sur l’autre rive. Elle sortit le radeau de l’eau et continua sa route.
Une barrière de montagnes s’étendait au loin. Elle scrutait avec inquiétude les cimes enneigées. Au bout de quelques jours, elle fut à leurs pieds.
Elle prit un sentier qui semblait la mener dans le domaine des neiges éternelles. La température baissait au fur et à mesure qu’elle gravissait la montagne. Le froid la tétanisait. Bientôt, la neige rendît son cheminement lent et difficile. Le sentier disparaissait sous le manteau blanc. Elle continua pourtant et réussi à trouver un endroit pour s’abriter. Elle trouva des branches sèches et pût faire un feu dont la musique et la chaleur lui évoquèrent une voix rauque et un corps tendre. Elle passa la nuit enveloppée par le crépitement du feu, la chaleur des flammes et la douceur de son rêve. Au matin, elle repartît.
Elle repéra ce qui pouvait être une trace du sentier. A cet endroit, la neige était moins épaisse. Elle avança en laissant des traces moins profondes. Sa progression était pénible mais plus aisée qu’auparavant. Son rêve lui avait donné des ailes.
Elle entama enfin la descente. Le sentier était de plus en plus visible, la température augmentait progressivement et la neige se faisait plus rare. Elle se retrouva bientôt au milieu de prairies verdoyantes.
C’est alors qu’elle vît au loin une maisonnette. De la fumée sortait de la cheminée. Il était sûrement là. Son cœur s’affola comme un oiseau qui essai de sortir de sa cage. Elle courût vers la maison. Elle ouvrît la porte. Derrière un fauteuil, devant la cheminée, elle vît que quelqu’un tenait un journal grand ouvert. Il était plongé dans sa lecture et ne l’avait pas entendu arriver. Alors elle se dirigea vers le fauteuil, le contourna pour regarder dans les yeux ce lecteur étourdit et se retrouva nez à nez avec...une grenouille !
RHAAAA !!! Elle avait oublié que dans les contes la jeune fille belle et pure devait embrasser une grenouille ! BEURK ! Dépité, elle rebroussa chemin.