Je ne voudrais pas partir avant d’avoir écrit cette dernière lettre, les mots sont des fantômes qui hantent la mémoire et la vie est si courte. Et pourtant, comment te dire ce mal qui me terrasse quand ton regard se perd dans les brumes vaporeuses d’une aube éphémère ? Comment y croire encore quand tu ne me vois pas, image transparente à ton âme abusée ? Mes paroles d’amour ne sont que des bouteilles jetées à la mer qui viennent s’échouer sur l’île déserte de ton cœur, la mer les a roulées, les a bercées, elles ont vaincu tant d’écueils, survivantes entêtées dont l’encre se délave mais viennent mourir dans ton silence.
Je ne voudrais pas partir avant d’avoir senti la brûlure de ta bouche sur ma peau que l’hiver tourmente et affaiblit, pas avant d’avoir scellé de mes lèvres tes lèvres dans un baiser au parfum de regret. Mais comment t’approcher quand le temps nous sépare ? Comment venir à toi quand l’incertitude envahit mes veines comme un remord vivant ? Pourquoi te retenir si tu ne sais comprendre le désir qui me ronge et me prend jusqu’à mon dernier souffle lorsque l’obscurité s’illumine de mille flammes ardentes ? Et pourquoi te garder quand papillon de nuit, tu te brûles aux lumières assassines et trompeuses d’un soleil perfide et te détournes à jamais de ma nuit étoilée ?
Je ne voudrais pas partir avant d’avoir écrit cette dernière lettre... je ne voudrais pas mourir avant de t’avoir dit je t’aime.