Il y avait si longtemps que les hommes se combattaient qu’aucun d’entre eux ne se souvenait du motif d’une si grande haine. Une tribu en accusait une autre de lui avoir manqué de respect pendant que l’autre certifiait qu’une troisième avait voulu lui dérober ses terres. Bref le chaos régnait sur notre pauvre planète transformée pour l’occasion en un immense champ de bataille où l’animosité et la désolation gouvernaient les destins.
Des forêts, il n’en restait plus rien qu’un désert où quelques souches brûlées tendaient d’étranges bras vers les nues implorant en vain une quelconque pitié. Les champs et les prés étaient en friches, les hommes ayant bien d’autres occupations. Et pourtant, la terre déployait ses charmes faisant fleurir de merveilleuses fleurs au milieu des broussailles, quelques épis de blé épars, montrant ainsi ses trésors de fertilité mais il n’y avait rien à faire, le sang continuait de couler dans les rivières et la barbarie ne cessait de croître réduisant à néant les peuplades.
Mais un jour vint où n’ayant plus de quoi se nourrir, les derniers combattants décidèrent de faire une trêve et d’unir leurs ultimes forces pour se mettre en quête d’un moyen de subsistance. Ils marchèrent longtemps, traversant des jachères, se désespérant et pleurant sur leur sort.
Un matin, alors que le jour commençait à poindre, ils entendirent un bruit étrange, une espèce de cri féroce qui les tira du sommeil et les fit frémir. Par réflexe, ils se saisirent de leurs armes et guidés par l’atroce hurlement gravirent une colline qui se trouvait devant eux.
Arrivés au sommet, ils virent une petite vallée verdoyante épargnée par les combats. Ils se frottèrent les yeux croyant rêver, tant de beauté les fascina et la paix qui y régnait les toucha en plein cœur.
Devant une chaumière, un vieil homme s’apprêtait à traire une belle vache rousse aux pis gonflés. Les affamés s’approchèrent du vieillard, un peu effrayés par l’étrange animal dont les beuglements les faisaient reculer.
Alors les querelles reprirent , certains voulaient tuer la bête pour la dévorer immédiatement et ainsi apaiser leur faim, d’autres voulaient l’emmener pour l’occire plus tard une fois rentrés chez eux, d’autres encore voulaient la garder pour l’étudier.
Le vieillard impassible et paisible mais las de les entendre, leur tendit un pot de lait tiède qu’il venait de recueillir. Ils se partagèrent le breuvage, qui satisfaisant leurs estomacs enfin repus, leur parut un nectar divin.
Séduits par tant de douceur, leur colère retomba et de guerriers ils devinrent fermiers.
Voilà comment un simple verre de lait changea le cours du temps et ramena la paix sur terre...