Une nuit où la lune était pleine de bonne volonté, elle l’a invité à venir la contempler dans le décor de ses rêves de cette tour abandonnée au temps. Il a marché dans la brume de la nuit, seul, avec ses peurs d’enfant, pour venir la retrouver au cœur de ce domaine gisant, sans bruits, pour ne pas affoler ses doutes d’être ici, à la merci de quelques fantômes errants qui peuplent les miettes de ce château d’antan.
Il a grimpé les marches à toute vitesse, le cœur en liesse de braver l’interdit de venir hanter les pans de murs détruits par les guerres, le vent, et les mystères. Et la tour s’est ouverte sur le ciel, tout en haut, au sommet où flotte son drapeau, l’immensité démentielle offerte partiellement retenue par les créneaux.
Il la fixait des yeux cette lune sublime, plongeant dans sa poussière de lumière lactescente qui retombait sur les arbres alentours dont il dominait les cimes. Il se brûlait l’âme de rondeurs crayeuses incandescentes, se laissant emporter par les marées d’espoirs qu’elle provoquait en lui, de cette vision si stupéfiante où l’émoi luit, happée par ces fumées noires incitées par ses ennuis.
Il se gorgeait de pluie d’étoiles sous la voûte céleste, contemplant l’astre majesté de son esprit modeste, lorsque soudain sans bruit et sans un cri, il la vit disparaître dans le circumterrestre.
La lune est tombée. Elle s’est décrochée du ciel sous son regard halluciné. La lune est tombée à ses pieds, en mille morceaux éparpillés.
Il est resté muet devant ce cataclysme, la cervelle affolée de croire que ses regards pesaient trop lourd sur elle, comme un fardeau gorgé de traumatismes qu’on ne peut absorber sans en subir les conséquences. Il a levé les yeux vers ce zénith sans joie, dans la nuit assombrie de souffrance d’avoir causé cela.
Il a ramassé quelques bribes de lune, en haut de ce donjon conquis par effraction et plongé dans les ténèbres par son unique faute. L’obscurité se faisait oppressante et il redescendait les escaliers de pierre à tâtons, en priant que la tour ne tressaute pour le punir de cette humiliation.
Sur le chemin ravagé par la nature et les hommes, où les vestiges témoignent de leur assassinat, il a ouvert sa main et regarder sa paume dans laquelle gisait les fragments du satellite en trépas. Et là, au cœur de ce bois, dont les arbres le jugeaient à chacun de ses pas, il a vu briller une parcelle de lune qu’il a remis au ciel pour se faire pardonner. L’éclat s’est envolé sous son regard hagard pour s’accrocher à une branche d’étoile qui traînait là.
Les nuits suivantes il surveillait les cieux, suivant des yeux l’incroyable spectacle distribué, de cette lune qui chaque fois un peu plus se reconstituait, jusqu’à redevenir ce globe parfait qui veille sur notre monde. Jamais plus il ne l’a accablée de ses peines, de ses regrets et de ses plaies profondes, mais il l’engageait à toujours exister, à saluer nos rêves de sa si belle lumière vagabonde.