Nuit d’épines sombres
aux larmes d’étoiles grises
sommeil s’enfuyant
Elle observait l’indican
qui rehaussait l’horizon.
La fraîcheur sur ses épaules de marbre, l’enveloppait et la faisait frissonner, mais perdu dans cette vision son esprit oubliait tout ce qui n’était pas ce falot éclat de lumière, tremblant loin devant elle.
Il était donc lui aussi debout à cette heure où tout dort.
Que pouvait-il faire
A qui pouvait-il penser
Elle se torturait
Jamais elle n’avait compris
Son silence méprisant.
L’été avait laissé des herbes roussies aux talus que le vent moutonnait. Mais dans les ténèbres seul le souffle d’Éole, faisait bruire les feuilles de son cerisier dont une branche touchait son volet vert. Elle écoutait ce chuchotement essayant d’entendre un mot, un signe dans ce murmure feuillu. Elle était si tendue à cet exercice qu’elle croyait entendre son prénom « Marie, Marie ». Elle croyait par instant devenir folle, folle d’amour et de chagrin, avec cet espace béant au creux de sa poitrine qui la grignotait heure après heure.
Tout là-bas, au loin
Lui, arpentait sa maison
La tête embrumée
L’écœurement insistant
le pliant en deux parfois.
Qu’ils étaient doux les jours, où au bord de l’’eau vive, Marie et lui faisait des projets pour un avenir proche. L’amour l’avait cueilli, lui, l’homme pressé et papillonnant, qui butinait de fleurs en fleurs sans jamais s’attacher à aucune. Voilà que ce petit bout de femme, à mille lieux des beautés qu’il avait collectionnées depuis tant d’années, l’avait touché au cœur par son rire, sa vivacité d’esprit, son humour jamais ironique, et cette façon toute à elle d’être naturelle en toutes circonstances.
Elle n’était pas jolie non, mais pour lui elle était belle !
Regard étoilé
Des rondeurs à la Rubens
Une peau satin
Plastiquement potelée
Un régal pour la caresse.
Il aimait le parfum de fruits et de fleurs qui se dégageait d’elle lorsqu’il enfouissait son visage dans cette chevelure cuivrée.C’était comme s’ils s’étaient couchés tous deux dans un champs de blés à faire l’amour au soleil. D’elle il était ivre, et parfois il pensait n’avoir jamais connu qu’elle. Sa vie depuis ce jour de juin, avait effacé tout un passé d’errance. Il était plein de son image, et chez lui les photos agrandies de ce visage radieux le suivait partout où son regard se posait.
Toux et souffle court
Ce lit trempé de sueur
Dégoût au matin
l’inquiétaient depuis peu
Car lui rappelait son frère.
Il se souviendrait longtemps de ce jour fatal, où sous l’arc arrondi du scanner, le verdict le cueillit à froid. Carcinome bronchique, le lobe du poumon droit est atteint, mais pas de lésion décelable dans le poumon gauche était écrit dans la conclusion. Le lendemain il était à nouveau chez son médecin, Monsieur David, aux paroles rassurantes mais pressantes.
Allez mon petit, on va prendre le taureau par les cornes, et il y a de bonnes chances de vous en sortir. Mais surtout, vous jetez vos paquets de cigarettes. Il faut être drastique c’est le seul moyen de hâter la guérison. Je téléphone à l’hôpital Henriot, et vous commencerez le traitement dès demain s’ils vous trouvent une place.
Embarquer Marie
dans ce chemin de souffrance
Le corps défaillant
Je n’en ai pas le courage
J’ai peur de ma déchéance.
Il revient pour la première fois à son logis silencieux après la première cure.
Tout lui paraît étrange,
La maison semble l’attendre. Des pommes oubliées se sont ridées dans le fruitier et leur parfum suret flotte dans l’air. Sur l’évier, les chiffonnettes raides et sèches, voisinent avec le savon fissuré .Le verre sur l’évier conserve un dépôt blanchâtre, trace du dernier cachet avalé avant de partir.
Le répondeur téléphonique clignote sous les messages nombreux. Il les efface sans en écouter aucun, et las et triste va se recoucher.
Il se sent seul et misérable.