REMAKE TATIE DANIELE
Envie d’hurler, envie de pleurer, envie de vous dire que le métier d’auxiliaire vie est un travail difficile. Et que nous mériterions une médaille, celle du courage.
Il était temps que je sois soulagée, au niveau horaire de boulot, sinon je disjonctais. 10 H par jour chez la même personne, plusieurs jours de suite, dur, dur. Mes vieux os craquent de partout. Quand mamie dort, cela va, je souffle un peu.
Mais quand elle ne dort pas, elle est pénible.
Elle n’a pas confiance. Elle vérifie le travail, râle si j’use l’électricité, l’eau ou le téléphone (pourtant j’appelle pour elle) Elle angoisse et les nerfs sont mis à rudes épreuves. Elle a 83 ans et est très autonome. Il lui faut néanmoins quelqu’un 24h/24, pour la toilette, les soins, la prise de médicament à heure régulière, les courses, les gros travaux, les sorties. Mais néanmoins on la dérange….Si on travaille ça ne va pas, si on est assis cela ne va pas. Bref, elle ne sait pas ce qu’elle veut. Elle est grave.
Une révolutionnaire, comme moi, bref, on se complète. Il faut une sacré patience, c’est un vrai T.G.V. Pas le temps de souffler, de dire ouf ! Après le repas, qu’elle est déjà habillée et qu’elle sort.
Elle m’a fait peur samedi, le temps que j’enfile ma veste et que je la rejoigne dans le jardin, plus personne. J’ai foncé au portail pour regarder sur le trottoir, pas de mamie.
Alors je l’ai appelé et elle m’a répondu. Il y a un autre jardin, planqué derrière un mur. Elle en a fait le tour, trois ou quatre fois, puis elle est rentrée. J’ai franchement eu le sentiment en tournant en rond ainsi avec elle, de faire le tour d’une prison.
Un peu plus tard, elle m’a encore fait peur. Toutes les portes sont habituellement ouvertes, il y en a deux dans son salon, une donnant dans le couloir, l’autre dans la cuisine. Une première porte a claqué. Je me suis levée, intriguée pour regarder par le trou de la serrure. Je ne voyais pas mamie. L’autre porte a claqué aussi . J’ai fait le tour pour regarder. La porte s’est ouverte quand j’étais derrière, prise en faute, j’ai sursauté. Je lui ai dit qu’elle m’avait fait peur. « Normal, vous écoutez aux portes » « Mais non, ai-je répondu, j’étais inquiète que vous vous enfermiez » « Je ferme parce que j’attends quelqu’un et c’est secret » « Ah, bon ! » Et vlan, elle me ferme la porte au nez. Elle m’inquiète, j’entends la clé dans l’autre serrure car il y a plusieurs portes de sortie donnant sur la rue.
Puis nouveau silence. J’attends 5 minutes et je frappe.
« OUI ! » « Heu ! Désolée de vous déranger, mais je suis là pour veiller sur vous, alors tant que votre visite n’est pas arrivée, ce serait sympa de laisser la porte ouverte, et moi cela me rassurerait » « Oh ! Vous êtes agaçante, il ne faut pas vous inquiétez comme cela » « Ecoutez, je fermerai la porte quand votre visite sera là » « Bon, bon ! D’accord »
Quelqu’un a frappé et je me suis éclipsée mais j’ai quand même regardé par le trou de la serrure, par sécurité, on ne sait jamais. C’était une dame, elle n’est pas restée longtemps. Voilà pour les événements. J’étais très fatiguée le soir en rentrant. Sur la route, je trouvais bizarre qu’il fasse aussi noir entre Chantilly et Saint Maximin. Je me suis dit « On nous a piqué les lumières ou quoi ? » Voiture qui me fait des appels de phares en face, pas bien le mec que je me dis, je ne suis pas en pleins phares. J’y vois même rien du tout. Pas d’autres voitures qui font des appels, alors je ne m’affole pas. Et bien j’aurai dû. M’étonne pas que je ne voyais rien sur cette fichue route, mes phares n’étaient pas allumés. Pas bien la fille, j’ai roulé comme cela pendant de nombreux kilomètres avant de m’en apercevoir. Quand je l’ai raconté à ma fille Cathy, elle était écroulée de rire. Comme quoi je ne m’arrange pas en vieillissant. S’il y avait eu les flics, j’avais droit au P.V. Mais je leur aurai expliqué le pourquoi du comment, gros coup de fatigue et cette impression bizarre qu’on m’avait piqué des lumières sur cette fichue route, çà les aurait bien fait rire.