Après bien des années à avoir grandi parmi les hommes et sous la poigne d’une femme, j’ai, un jour, après la descente aux enfers de mon âme, secoué mes chaînes et pris mon envol pour un autre monde.
Un monde qui me correspondait.
Un monde dans lequel je riais sans fard et sans hypocrisie.
Un monde dans lequel mes enfants ont grandit à leur tour, soleil de mes nuits.
Un monde dans lequel je me croyais bien éloignée de l’échéance de ma vie.
Et pourtant !
Nul n’est à l’abri des aléas de la nature et le destin avait décidé de me soumettre à une nouvelle épreuve. Un crabe s’était insidieusement logé dans un coin de mon corps et s’y était développé.
Incrédulité, stupeur, choc, … comment était-ce possible alors que j’avais, comme tous, écouté les conseils et les avait suivi afin qu’il ne trouve aucune raison de surgir ainsi et de remettre en question :TOUT !
L’impression de basculer de l’autre côté d’une barrière que je ne voyais pas quand l’avenir avait un goût d’éternité.
Les mois ont passé. Toute l’énergie, que le poison que l’on injectait régulièrement dans mes veines pour tuer la mort me laissait, tendue vers un seul but : SURVIVRE !
Survivre pour qui ? Pour quoi ? Survivre comment ? Survivre malgré la mutilation ? Tant de questions, autant de désespoirs. Et encore et toujours, les sentiments profonds des personnes à mes côtés pour m’empêcher de plonger, de me noyer.
Petit à petit, la vie reprend le chemin de mon corps. Les effets du poison s’effacent lentement. Mais :
Mon âme ne navigue plus dans les mêmes eaux.
Le paysage n’a plus les mêmes couleurs.
Le chemin ne suit plus le même tracé.
L’avenir c’est demain et l’éternité, hier.
Chaque matin, quand j’ouvre les yeux après une nuit peuplée de cauchemars, de veille macabre, de chaleur artificielle m’emportant dans les brumes de l’inconscience, je cherche la chaleur de la vie et d’un cœur qui jamais ne renonce à faire battre le mien à son diapason.
Je survis pour les miens, pour finir ce que j’ai commencé, parce que renoncer c’est offrir à la maladie ce qu’elle veut, renoncer c’est renier mon passé, renoncer c’est ne plus aimer.
Alors vaille que vaille, j’avance, tête haute, couronne grisonnante, étendard de ma bataille, buste droit, ne cachant rien des mutilations de mon combat.
Il n’y a pas de victoire, juste une armistice. Mais, tant qu’il y a de l’amour, il y a de l’espoir.