Juillet 1208 dans les Corbières
Dans la campagne écrasée de chaleur seules retentissent les stridulations syncopées des cigales. Au dessus des cailloux du chemin l’air vibre comme dans une forge. Frère Domingo, troisième fils du seigneur Guzman de Caleruega et chanoine d’Osma marche depuis plus de six heures. À chaque pas son pied nu soulève une poussière blanche qui hésite à se reposer sur le sol trop chaud.
Le moine n’a pas quarante ans, il porte une soutane maculée de poussière mais dans son regard sombre brille une flamme farouche. Une ride profonde traverse son front luisant de sueur. L’ecclésiastique est inquiet, il s’interroge. Que lui réservent cette fois ces maudits « bonshommes » ? Quelle est l’utilité de ces débats qu’il s’impose depuis bientôt deux ans dans tout le Languedoc.
Sur le flanc du pog apparaît enfin Bugarach. Le moine presse le pas. Les yeux plissés, il distingue un attroupement sous les arbres en bordure de rivière. Ces sauvages l’attendraient ils ? lui manifestant pour une fois un semblant d’intérêt ! Mais il s’aperçoit bientôt de sa méprise. Une trentaine de manants, des femmes et des hommes tous plus noirauds les uns que les autres encerclent une pauvre fille et la conspuent copieusement dans un mélange de catalan et de pyrénéen que le moine ne comprend pas.