Samuel et lui
Il avait froid mais il ne le disait pas. Il avait faim, il ne disait pourtant rien
Derrière ces barbelés l’ombre de la mort les guettait tous, pourtant, oui pourtant ses yeux cherchaient dans le ciel gris cet espace bleu suffisant pour habiller un petit soldat.
L’habit vert et le claquement des bottes souvent le faisait sursauter, surtout au début, mais juste un sursaut de cœur, jamais de peur.
Ce matin là il venait de fumer un mégot qui traînait par terre, une Erntz 23 de frigolin. Puis les pieds dans la boue il s’était rendu dans le baraquement 127 pour saluer Samuel comme tous les matins.
Samuel n’était plus très bien portant, les yeux déchirés par un ventre trop vide et enfoncés à coup de sales mots ennemis. Et puis il était tellement inquiet Samuel pour sa famille qui comme lui était à Auschwitz.
Mais ce matin là
Ce matin là...
Ils sont arrivés l’air sévère, ils l’ont emmené. Ses yeux ont quitté Samuel. Samuel à bout avec son regard si douloureux, si fatigué, si las, si...
Alors tout alla très vite. Il fut mis à nu, ses loques rayées furent brûlées dans le feu, son numéro relevé et son corps jeté dans cette endroit clos sans fenêtre, sans porte, sans issue si ce n’est que la fatale.
La fumée noire s’est élevée doucement dans le ciel, dans cette trouée bleutée. Le petit soldat venait de se vêtir de l’habit du ciel, ses dents en or ayant rejoint le coffre-fort.
Aujourd’hui Samuel a bien plus de soixante-dix ans, il vit à Paris et chaque fois que son regard se perd dans le ciel c’est pour retrouver les yeux de Salomon et ses lèvres tremblent encore.
écrit par Bernard Blazin