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La légende du Christ se superpose très bien à ces mythes, mais qu’elle soit le fruit de l’imagination populaire ou un fait historique, une chose est certaine, c’est que jamais, avant l’ère chrétienne, le monde antique n’avait pris conscience de la beauté morale de l’altruisme, de l’amour du prochain et de ce que "le plus grand parmi vous est celui qui est le serviteur de tous les autres".
Les évangiles sont le compte rendu maladroit de l’enseignement et de la sagesse transcendante d’un homme ou d’un groupe d’hommes et de préceptes préexistants au Christ*, celui-ci étant, sans doute historiquement, le premier avocat de l’amour fraternel, de la douceur et de l’oubli des offenses. (* si l’on accepte son existence ou alors du premier homme qui a osé l’ouvrir et proposer d’aussi nobles valeurs).
Les frères Gracques exceptés (1), il peut apparaître aussi comme le premier conducteur d’une révolte d’esclaves. Et ceci est déjà moins original et moins méritoire puisqu’il faisait partie d’un peuple d’opprimés et que la tendance naturelle logique de l’esclave le pousse à la révolte et à l’émancipation.
Mais malgré tout, le Christ, qui est de sang divin, proclame l’égalité des hommes entr’eux et commande l’amour fraternel et le pardon des offenses comme corolaires à cette libération.
Il aurait dès lors pu devenir le symbole de ce bouleversement moral et, cependant, il faut attendre la Déclaration des Droits de l’Homme pour que le monde prenne pleinement conscience de la valeur absolue de la personnalité humaine et du respect qui lui est dû.
C’est que les exégètes des évangiles et les pontifes responsables de la doctrine ont savamment noyé le poisson en centrant l’enseignement du Christ non sur les commandements éthiques mais sur la promesse d’une récompense dans un monde éternel dont notre vie sur terre ne serait qu’un stade préparatoire...
Ce qui au point de vue philosophique est absurde car cela consisterait à passer de l’univers physique dans un univers qui ne connaîtrait aucune des limitations ni de nos sens, ni de notre raison.
Et ce qui, au point de vue éthique, est odieux et lâche puisque nous y trouvons la source du pari de Pascal (2).
Une autre déviation a consisté à souligner l’anthropomorphisme de dieu incarné, ce qui avec la légende du "mort-ressuscité" fait partie de l’attrait religieux de tous les peuples primitifs, ainsi d’ailleurs que le personnage du ’Superman’ faiseur de miracles.
Et cette mythologie qui pourrait être valable comme expression symbolique des aspirations de l’esprit humain vers la justice, la tolérance et la bonté, devient une forme supplémentaire de superstition vulgaire par l’introduction de croyances mystiques en une incarnation, une résurrection et une rédemption.
Ce qui d’ailleurs n’est que le moyen d’intégrer la douleur, la souffrance et la mort dans le plan divin afin de permettre l’épanouissement des vertus de la patience et de la résignation chrétienne et cela n’est visiblement qu’un moyen de rependre l’obscurantisme nécessaire au maintien, pour la ’caste dirigeante’, de ses privilèges matériels...