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D’ailleurs, pour illustrer cette assertion, l’histoire de l’église ne regorge-t-elle pas d’actions qui n’ont rien de commun avec la charité et la tolérance que prêchait le Messie ?
Et aujourd’hui encore les maîtres au droit divin, quelque soit leur confession, asservissent des hommes qui ne peuvent se soumettre que s’ils ont une foi aveugle dans l’autorité spirituelle de ces maîtres et dans l’origine supranaturelle de cette autorité, qui est de la même veine que la croyance qui fait de nous les enfants d’un créateur colérique, brandisseur d’éclairs et inventeur du bûcher éternel de l’enfer.
"Charité bien ordonnée et l’église sera bien gardée au milieu du troupeau" dit la sagesse populaire qui s’embrouille les neurones.
Ils ont de toute évidence appliqué à la lettre ce proverbe, se sont servis les premiers, ne laissant rien aux autres qu’un tronc pour y déposer de nouvelles offrandes...
Cependant la mythologie peut-être nécessaire à l’esprit de l’homme qui veut croire.
"Pour croire, il faut beaucoup prier", me disait un prêtre -et à ce compte là, l’église nantie d’un mythe ni pire ni meilleur que les autres, surtout d’une doctrine morale splendide, aurait pu devenir la source jaillissante d’un ordre social nouveau, charitable, humain.
Mais de même que le Christ a renoncé (et pour cause : il était enchaîné devant Pilate et voyait la partie perdue) à toute prétention de réforme politique ou sociale, l’église de son côté a abandonné le merveilleux plan de rénovation qu’elle aurait pu entreprendre dès qu’elle fut assurée d’un statut légal.
Au lieu de quoi elle est toujours apparue comme un frein à toute tentative d’émancipation humaine.
Ainsi les bûcher de l’Inquisition et, aujourd’hui les anathèmes et les excommunications qui pleuvent contre tout ce qui peut porter atteinte aux privilèges temporels de l’église, m’apparaissent-ils comme la preuve que le progrès de la personne, de la condition humaine est un phénomène au moins aussi indépendant du phénomène religieux que le développement des sciences.
Et "l’amour fraternel de toutes les nations dans le Christ" dont jacasse le pape en inaugurant l’année sainte n’est plus, à mon avis, qu’une pâle et lointaine allusion, et plutôt même une dérision, de la doctrine de celui dont il s’intitule le vicaire infaillible...
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(1) : les Gracques sont deux hommes d’État romains, fils du consul Tiberius Sempronius, petit-fils de Scipion l’Africain, l’histoire retient leur tentative infructueuse de réformer le système social romain.
(2) : Le Pari de Pascal est le nom donné à un passage des Pensées de Blaise Pascal (1670) où il met à plat le gain que l’on peut avoir en croyant en Dieu : "Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il ‘est’, sans hésiter".
En d’autre mot, il déduit que, ne pouvant départager l’existence ou non de Dieu (ces deux hypothèses ayant, pour lui, la même probabilité), il en découle que croire en Dieu est une solution statistiquement plus avantageuse...