Une porte claque.
Il se retourne, retient sa respiration, presque inconsciemment. Tendant l’oreille, il s’est plaqué contre le mur, réflexe idiot : si quelqu’un rentrait maintenant, il ne pourrait que le voir immédiatement, dans le long couloir à l’éclairage vacillant, un néon qui clignote, pas très loin, peut être à deux mètres de lui. Mais de toute manière, le silence est retombé. Peut être a t il rêvé ?
Une vieille chanson lui revient en tête. C’est pas le moment. Son cœur bat toujours trop vite, il cogne dans ses oreilles et l’empêche de se concentrer, la mélodie résonne, obstinée, têtue, et il se surprend à penser à sa vie d’avant. Avant qui ? Avant quoi ? C’est drôle cette manière de parler en avant et après. Il n’y a plus qu’à avancer, maintenant.
Il se décolle du mur, vérifie que ses jambes le portent toujours. Elles tremblent un peu. Il se persuade que c’est la maladie. Cela lui redonne un peu de détermination, il chasse la chanson, la chanson d’avant. Il regarde encore une fois derrière lui, il n’y a personne. Personne. Il sait pourtant qu’ils le surveillent, que ce n’est qu’une question de temps avant qu’on vienne le chercher, qu’on le ramène. Il faut faire vite.
Il dépasse le néon qui vacille. Son ombre clignote sur le sol vert pâle, clignote comme sa raison, il le sait maintenant. Il n’a pas oublié. Pas encore. La chanson revient, obsédante. Ses jambes le portent bien à présent, il avance vite, il n’est plus très loin. L’ascenseur ne fonctionne pas la nuit, il faudra prendre l’escalier. Neuf étages. Tout le temps d’avoir peur. Tout le temps de renoncer. Tout le temps…