Elle hésite, il le voit dans ses yeux d’océan troublé. Alors il lui parle, il lui raconte qu’il est malade, qu’Aloïs lui prend ses souvenirs, l’un après l’autre, mais qu’il n’a pas oublié que le ciel était beau et qu’il voulait, juste une fois, le revoir avant de mourir, parce que je vais mourir, vous savez, il lui dit. Vous êtes jeune, vous ne comprenez pas encore, vous ne savez pas encore. Mais je vais mourir, peut être demain, peut être ce soir, peut être cette nuit… Il lui raconte que s’il l’avait rencontrée quand il était jeune, il l’aurait certainement embrassée parce qu’elle est jolie, elle ressemble à une brassée de blés mûrs, un soir d’été, et elle est encore plus belle quand elle rougit, comme maintenant.
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit…
Elle a ouvert la porte et ils sont sortis dans la nuit. Pas très loin, il y a une butte de terre, avec sept bouleaux en cercle, et des taupinières sur la pelouse. Il s’est allongé et elle parle maintenant, elle tient ses genoux repliés contre elle, elle lui raconte les étoiles et les constellations, elle fait partie d’un club d’astronomie. Il n’y a pas de lune ce soir, on est en août, il fait frais mais pas froid, ils voient passer deux étoiles filantes.
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
Il s’est endormi. Elle pose la main sur sa joue, elle est déja tiède ; son dernier soupir s’est noyé dans la rumeur du matin. Il y a un peu de vent, une odeur de sève, un peu sucrée, cette odeur particulière de certains soirs d’été. Ses mèches folles dansent sur son front, elle les chasse d’un mouvement de tête, dégage ses yeux, et il s’y glisse un peu de rosée. L’aube chuchote à son oreille, et elle croit y reconnaître une chanson, une vieille chanson, une chanson qu’on ne chante plus maintenant.
Tu vois, je n’ai pas oublié...
Une chanson d’avant.