Le hall était désert. Il paraissait immense, avec son dôme de verre, le bureau de la secrétaire, la grande porte à tambour, vitrée, fermée à partir de 20h30, disait un mot. Il ne pouvait pas sortir. Après tout, il s’y attendait. Il n’y avait pas de lumière, et le ciel était caché, devant l’hôpital, il y a toujours un préau. Pour protéger les fumeurs. Il s’assit quand même à côté de la porte, sur le sol, en ignorant la protestation toujours plus vive de ses os. Comment s’appellaient ils déja ? Les os du bassin… Il l’avait su, autrefois. Avant. La chanson déroulait sa mélodie derrière ses paupières closes, toujours la même.
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis…
- Que faites vous là, monsieur ?
Il ouvre les yeux, découvre une jeune femme. Elle porte l’uniforme des gardes. Elle est agenouillée à ses côtés, il ne l’a pas entendue arriver. Elle a une lampe de poche à la main, qui crache un faisceau de lumière jaunâtre, agressive, irritante. Elle poignarde l’obscurité, la douceur rassurante, le doute et le flou de la nuit et y impose l’évident, le certain et l’inévitable. Il balbutie, qu’on éteigne cette lampe. Elle l’observe avec pitié et laisse la lampe allumée.
En ce temps là, la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui…
- Je vous ramène à votre chambre.
Il la regarde et ne dit plus rien. Elle est jolie, avec des longs cheveux dorés et bouclés, qu’elle a attachés dans son dos, mais des mèches folles s’échappent et s’égarent devant ses yeux bleus, immenses et pailletés.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi…
Elle l’a relevé, il s’est laissé faire. Quand elle se penche vers lui pour lui offrir son bras, pour l’aider à marcher, il sent son parfum, myosotis, peut être, ou lilas ? Il ne sait plus. Avant, il reconnaissait toutes les fleurs, au simple écho de leur fragrance dans l’air diaphane du matin. Sa voix est claire quand il prend la parole, aussi nette et assurée que la lampe torche dans l’immense hall.
- Mademoiselle, je ne veux pas rentrer. Asseyez vous et discutez avec moi, s’il vous plaît…
Et le vent du Nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli.