La petite le savait mais elle n’avait rien osé dire malgré son souffle court, malgré la douleur qui se diffusait peu à peu dans son corps. Il avait bien, à un moment donné, senti lui échapper la petite main qu’il serrait dans la sienne depuis des heures mais il avait fait comme si de rien n’était, il avait seulement resserré son étreinte en silence, sans la regarder car il ne voulait pas fléchir. Il imaginait sans peine les yeux apeurés et las de l’enfant, et connaissait sa propre faiblesse mais il ne pouvait se permettre de s’arrêter ne serait-ce que quelques instants.
Sa lutte contre la nuit n’admettait aucune faille et avait commencé dès l’aube. Il ne voulait pas se trouver dans la forêt au moment où la lune noire se lèverait. Il les sentait aux aguets, rôdant autour d’eux, il les entendait murmurer « nous sommes là, si près, tout près, rien ne la sauvera, ni toi ni aucun autre ».
Le vent dans les branches des hauts chênes semblait lui dire « elles arrivent, presse toi ». C’est cette peur sourde, ancrée au plus profond de son âme qui l’avait décidé à partir avec elle, c’est cette peur qui le guidait à grands pas vers le monastère.
Quand les hommes avaient parlé de la disparition de trois enfants, alors que l’on avait commencé à trouver les corps sans vie de jeunes filles, il avait su. Il lui avait suffi de regarder les yeux exorbités par la terreur de ces malheureuses. Au village, on ne parlait que de la traque menée contre les loups, mais les hommes étaient revenus bredouille. Il les avait prévenus mais personne n’avait voulu l’écouter, personne ne voulait jamais l’écouter mais lui savait que les ombres étaient de retour. Il les connaissait bien les ombres, il les avait vues, par une nuit sans lune, une nuit d’hiver où, désobéissant à sa mère il était sorti de la maison avec Blanche, sa jeune sœur.
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Il hâtait le pas...
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