comme si elle comprenait ce qu’il ne disait pas, comme si elle savait sa peur et sa tristesse. Elle n’avait jamais eu peur de lui, et au fil du temps, un tendre lien s’était créé entre eux, étrange et pourtant indéfectible.
Aujourd’hui, personne ne parlait plus jamais de Blanche ni de cette maudite nuit mais de temps à autre, d’autres fillettes disparaissaient ou étaient retrouvées exsangues. Et à chaque fois, les villageois accusaient les loups mais lui savait bien que les loups n’y étaient pour rien.
La lumière commençait à baisser, bientôt il ferait nuit, il fallait qu’il la protège. La petite trébucha et se mit à pleurer, elle peinait à se relever, ils marchaient depuis tant de temps que la force lui manquait pour reprendre la course. Alors, il la prit dans ses bras, fétu de paille soulevé par le vent et reprit le chemin pressé par le déclin du jour. Il leva les yeux vers le ciel, de lourds nuages obscurcissaient le peu de lumière que le soleil diffusait encore. Il soupira, il n’avait aucune idée du temps qu’il lui faudrait encore pour rejoindre le monastère, un instant il pensa qu’il serait peut-être plus astucieux de chercher un abri mais il se ravisa. Quel asile pourrait bien lui apporter cette forêt qui taisait les abominations des créatures démoniaques ! Les cris de Blanche, souvenirs encore trop présents ravivèrent sa mémoire, alors il se mit à courir. La petite, exténuée, s’était endormi la tête sur son épaule. Soudain, au loin, retentit le son d’une cloche, il n’était plus très loin et il accéléra sa course, l’espoir de sauver l’enfant lui donnait des ailes. Les arbres autour de lui étaient de moins en moins grands, de moins en moins touffus, les futaies de moins en moins denses, bientôt il aperçut l’orée. Il savait maintenant que le gîte tant espéré était à sa portée. Au bout du chemin, il vit enfin se dresser les murs du prieuré. A bout de force, il cessa de courir mais son pas restait rapide, il devait tenir, dépasser la douleur de ses muscles qui se tétanisaient.