A contre cœur, Sabine fait entrer Alexandre, alias Paul, avec l’intention de l’interroger elle-même sur les éléments recueillis par l’enquête de gendarmerie. On ne sait jamais, cela peut l’aider dans ses propres recherches.
S’ensuit une discussion et des questions et réponses qu’Alexandre sait être inutiles alors que Sabine s’impatiente. Mais il veut ainsi noyer la seule question qui l’intéresse pour parvenir à la glisser subtilement dans la conversation et obtenir la réponse de Sabine :
Effectivement, mon mari avait fait don de ses organes ; l’hôpital de Mende où il a été transporté en a tenu compte et en a informé le CHU de Montpellier, mais je ne vois vraiment pas le rapport avec l’Assassin de mon mari.
Dans une affaire aussi difficile, tous les détails peuvent avoir leur importance, lui répond Alexandre qui a une bonne culture de films et romans policiers…
De retour chez lui, il est doublement en proie à une très forte émotion : l’identité du donneur qui se confirme et le coup de foudre qu’il vient d’avoir pour cette femme.
Et le voilà reparti dans son espèce de délire sur son nouveau cœur qui a déjà aimé cette femme, comme s’il avait reçu un amour en héritage. Sans doute lui-même ne saura-t-il jamais quelle est la part d’auto conditionnement et celle de ses propres ressentis dans les sentiments qu’il éprouve brutalement pour Sabine. D’ailleurs il n’a pas envie de le savoir. « Le cœur a ses raisons… » se dit-il en franchissant les frontières de la déraison
Puissance du subconscient qui parfois détermine l’être humain à son insu.
Deux jours plus tard il retourne voir Sabine et l’invite à diner au restaurant, toujours sous le prétexte de l’enquête. Un instant interloquée, elle se dit que cela lui changera les idées et que cet homme qui dégage quelque chose qui ne la laisse pas insensible va l’aider à trouver l’Assassin.
C’est ainsi qu’il vont prendre l’habitude de se voir régulièrement. Sabine afin de profiter des supposées qualités d’enquêteur de Paul, le faux policier, et Alexandre afin d’apprivoiser son nouvel amour. « Pas si nouveau que ça pour mon cœur » pense-il parfois dans un égarement romantique qui le grise.
Alexandre joue un jeu difficile mais Sabine, obnubilée pas sa recherche ne se pose pas trop de questions. Tout ce qui lui importe, c’est le résultat. Et puis ce policier est d’une agréable compagnie et elle sent que son intérêt pour elle n’est pas uniquement professionnel, ce qui desserre un peu l’étau de son chagrin.
Elle lui raconte donc ce qu’elle a appris durant ces deux derniers jours sur Claudio, sa réputation sulfureuse et sa condamnation à la prison.
Alexandre réfléchit et dit à Sabine :
Maintenant il faut aller se renseigner au garage de Mende où Claudio travaille. C’est à moi de le faire car il ne faut surtout pas qu’il vous voit d’autant que vous vous êtes déjà croisés.
Vous avez raison, lui répond Sabine. De mon côté je vais essayer d’observer ce qui se passe ici du côté de chez lui en ne me faisant pas voir.
Claudio et Marie-Ange préparent leurs cartons. Comme pour tout déménagement, ils remplissent en même temps des sacs poubelles de vieilleries accumulées. Leur départ est prévu pour dans trois jours. Ils vont emprunter un fourgon au garage où Claudio travaille et ils pensent que deux voyages suffiront pout tout déménager.
En découvrant ces préparatifs de départ avec les sacs poubelles qui s’accumulent sur le trottoir, Sabine se met à paniquer en se disant que ce salaud est en train de fuir et qu’elle risque de perdre sa trace puisqu’elle ignore sa destination.
Alexandre qui a pris un congé de quelques jours, roule de bon matin sur la nationale pour se rendre de Florac au garage où Claudio travaille à Mende. Il conduit un peu machinalement, perdu dans ses pensées. Il réalise qu’il n’a aucune raison de se mêler de l’enquête de Sabine. Tout ce qu’il voulait, c’était connaître l’identité de son donneur. Courir après celui qui l’a tué ne le concerne pas. Mais pour quelle raison s’est-il pris au jeu de Sabine ? Alexandre se met à parler tout seul et répond à haute voix : « Mais pauvre con, sans ce chauffard tu continuerais à mourir à petit feu ! » Tout s’embrouille dans son esprit : il ne cherche tout de même pas Claudio pour le remercier tandis que Sabine veut le « flinguer » ! Le cynisme et l’absurdité de sa réflexion le fait rire tout seul. Un rire nerveux, crispé.
« Alors mon pauvre vieux, qu’est-ce qu’il te faut de plus maintenant ? » se demande-t-il comme s’il se traquait lui-même. Sa réponse est immédiate et il dit à voix haute : « Sabine ! » Et là il sent qu’il perd complètement pied en se disant : « D’abord le cœur du mari et maintenant sa femme ! »
Il pense alors à sa compagne Juliette qui a fait ses valise et s’en est allée la semaine précédente lorsque, après lui avoir fait part de ses soupçons suite aux absences répétées d’Alexandre, il lui a dit : « j’aime une autre femme ». Juliette est partie sans poser de question. Sans larmes ni reproches car cela faisait déjà plusieurs mois qu’Alexandre s’était éloigné d’elle et qu’elle n’était restée que par compassion.
De retour le soir même à Florac il annone triomphalement à Sabine : « Tout concorde, c’est sûrement Claudio qui a renversé votre mari ». Il ne se résout pas à l’appeler l’Assassin. Il informe Sabine que lorsque le garage de Mende ferme le soir, les employés en partent à 18 heures précises et que le chronométrage auquel il a procédé au départ du garage et jusqu’au lieu de l’accident sur la départementale 31 a révélé un temps de 21 minutes. La montre du mari de Sabine s’est arrêtée à 18h23.
« En plus, ajoute Sabine, ce salaud fout le camp. Avec sa bonne femme ils sont en plein préparatif de déménagement. »
Les yeux complètement dilatés, Sabine se met à rire de façon un peu trop bruyante et se jette dans les bras d’Alexandre en disant « On le tient ! on le tient ! ».
il la serre à son tour dans ses bras, ravi d’une telle aubaine, et ses battements de cœur s’emballent.