Sabine se dégage légèrement et le regarde dans les yeux, leurs visages à quelques centimètres l’un de l’autre.
Elle l’embrasse violemment, leurs mains s’affolent et ils se déshabillent mutuellement avec une frénésie inouïe puis se laissent tomber sur le tapis où ils font l’amour tels des possédés. S’ensuit une nuit où, après avoir rejoint la chambre, ils vont connaître une passion démesurée.
Après avoir dormi quelques heures ils se réveillent au petit matin, encore enlacés. Sans dire un mot ils se séparent et se regardent intensément, à la fois emplis d’un immense bonheur et comme frappés d’une absolue incompréhension. Tout en se blottissant contre Alexandre, Sabine parle la première et lui dit : « C’est inouï, insensé, je ne comprends pas, mais je t’aime et sans doute depuis le premier instant ou je t’ai vu ».
Alexandre lui avoue son coup de foudre et ils se retrouvent à nouveau dans les bras l’un de l’autre tandis qu’il pense au cœur qui bat dans sa poitrine.
Après deux jours et deux nuits d’une lune de miel qu’Alexandre interprète, dans son addiction, comme des retrouvailles, ils prennent conscience que vis-à-vis de Claudio le temps presse.
Il ne leur reste plus qu’à obtenir ses aveux.
Alexandre reprenant son rôle de policier enquêteur dit à Sabine :
C’est d’accord, on y va ensemble et on essaie de le faire avouer en bluffant un peu. On affirmera qu’on a toutes les preuves et, s’il craque, je l’arrête et l’emmène à la gendarmerie. Donc pas question que tu te jettes sur lui comme une furie.
Mais non bien sûr, quand je parlais de le flinguer c’était sous le coup du chagrin et de la colère. Maintenant que nous nous sommes trouvés, ça change tout. Je n’ai pas du tout envie de me retrouver en prison, lui répond-t-elle en riant.
Lorsqu’ils arrivent chez Claudio, il est en train de charger le fourgon. Avec Marie-Ange ils ont effectué un premier voyage et elle est restée dans leur nouvelle maison pour commencer à l’installer.
Alexandre et Sabine se présentent à Claudio comme étant les nouveaux locataires de la maison qu’ils viennent revoir.
Claudio, un peu essoufflé et en sueur les fait entrer.
Ils se retrouvent tous trois dans le salon ; il n’y reste plus qu’un table basse et deux chaises. Alexandre et Sabine sont cote à cote et font semblant de regarder la pièce tandis que Claudio leur fait face à quelques mètres et les regarde. Il se dit que la femme ne lui est pas inconnue.
Puis Alexandre se met à parler et attaque Claudio directement en insistant sur toutes les preuves accumulées contre lui. A intervalles réguliers, le regard méchant avec un rictus qui déforme sa bouche, Sabine intervient pour compléter les précisions d’Alexandre.
Claudio reste figé sur place, livide, il se met à trembler et regarde tour à tour cet homme et cette femme tels des archanges envoyés par Dieu pour le punir. Il recule de quelques mètres en titubant et se laisse tomber sur l’une des deux chaises. De ses mains il enserre sa tête qu’il secoue de droite à gauche et tout ce qu’il parvient à dire d’une voix étranglée c’est : « Marie-Ange, Marie-Ange … » tel un bateau qui coule et lance un SOS.
D’un geste très rapide Sabine sort un révolver de son sac – celui de son défunt mari – et le braque sur Claudio en vociférant : « Salaud, tu vas crever ! »
Aussitôt Alexandre se jette sur Sabine et tente de lui arracher le révolver. Mais dans son hystérie, Sabine lui résiste avec l’énergie du désespoir en hurlant. Claudio, retrouvant d’un seul coup ses anciens reflexes, se lève d’un bond pour tenter lui aussi de s’emparer du révolver. Ils se retrouvent tous trois étroitement mêlés et titubent en tous sens, chacun criant et luttant pour s’approprier l’arme qui navigue dangereusement entre leurs mains à l’intérieur du cercle étroit qu’ils forment face à face.
Soudain leur acharnement se fige : un coup de feu a tonné.
Statufiés dans leur cercle où ils s’agrippent encore mutuellement, durant une fraction de seconde chacun regarde les deux autres avec des yeux hallucinés et interrogateurs : qui a été touché par la balle ?
Presque aussitôt, les yeux d’Alexandre se mettent à ciller, son regard se voile, il lâche Sabine et Claudio et s’écroule sur le sol, une balle fichée en plein cœur.
Sabine perd connaissance et tombe à son tour tandis que Claudio tente en vain de secourir Alexandre.
Il se dit alors en sanglotant « Ah si Marie-Ange avait été là, si je n’avais pas paniqué, si j’avais tout nié, si j’avais chargé plus vite et étais parti plus tôt, si au lieu de me mêler bêtement à la bagarre je les avais assommés à coups de poing » si, si …
Epilogue
L’enquête n’ayant pu déterminer qui, dans la mêlée, avait appuyé sur la gâchette, la Cour d’Assise a prononcé la relaxe de Sabine et Claudio au bénéfice du doute d’autant que ce pouvait aussi être Alexandre qui avait involontairement déclenché le coup de feu.
Sabine sera ultérieurement convoquée devant le tribunal correctionnel pour menaces avec une arme à feu.
Claudio a été condamné à cinq ans de prison ferme pour homicide involontaire et délit de fuite. Son passé a lourdement pesé dans la balance. Depuis le jour de son incarcération, il ne parle presque plus, se nourrit peu et rêve chaque nuit de Marie-Ange. Elle est allée le voir à deux reprises au parloir puis a cessé de rendre visite à cet homme qui est devenu un fantôme. Depuis, elle a sombré dans l’alcool.
A près avoir appris que le faux policier Paul Monteux s’appelait en réalité Alexandre Villeneuve, un habitant de Florac qui avait reçu le cœur de son défunt mari, Sabine est soignée dans un hôpital psychiatrique.
« Si,si,si ... »
Guy Alaimo
mai 2009