Courchevel, merde ! Je suis encore à Courchevel, seulement à Courchevel. Chaque fois que je me réveille, je crois que je suis de retour dans la ville. Ici je ne rêve que d’être là-bas, une fois là-bas, je ne pense qu’à une chose, être dans la jungle. Je suis en plein Apocaglisse Now. Willard des neiges. Dehors d’énormes flocons gelés tombent drus autour du chalet isolé où je meurs en reclus, à tout petit feu.Quand brusquement le soir assombrit les sommets, les skieurs rentrent transis mais heureux. Ils mangent beaucoup, boivent énormément, rotent trop en riant très grassement, gamins, terribles, gais. Juste après le café, ils muent de sportifs en cleubeurs et partent faire la fête et danser. L’important est pour eux, je crois, d’occuper une piste !Je ne skie pas, j’écris. J’écris parce que je ne sais pas skier. Je ne sais pas skier parce que je n’aime pas ça. Je n’aime pas ça parce qu’il fait froid, parce que descendre et remonter une montagne de l’aube au crépuscule sur des planches minuscules, habillé en moucham’ ou en moule-burnes couleur confetti humide, m’apparaît comme une aliénation primate.Je ne skie pas, j’écris. J’écris pour vivre. J’écris parce que je ne sais rien faire d’autre. Je m’installe près de la fenêtre de la chambre, j’allume mon ordinateur, je regarde les montagnes blanches polluées par des centaines de petits points multicolores qui s’agitent en désordre, je déprime. Les jours sont courts, mes heures d’une langueur monotone.
J’allume une cigarette, je me sers un verre, je bois, je me brûle les poumons et les doigts, je commence à moins déprimer. Je m’évade... J’écris.Je ne danse pas, je bois. Je n’aime pas bouger mon corps sur la musique. Je n’aime pas la musique faite pour bouger son corps. Je hais les nitecleubes, la fête organisée, les sourires obligés, la joie tarifée, la foule, la sueur des danseurs, les abandons programmés,... Quand je dois aller en boîte je m’installe au comptoir ou dans le fond de la salle, je commande une bouteille de schnaps, je la vide, j’allume une cigarette, je commande une autre bouteille de schnaps, je la vide. Et j’oublie que je suis là, j’oublie la musique médiocre et la déshumanité ambiante.Courchevel, merde !Riches, gosses de riches, riches pétasses de riches en fourrure, de la chapka aux bottes en passant le string. Ca pue la mort des fauves, la fortune nouvelle technologie, la mafia supranationale, la prostitution légale. On étale son pognon délocalisé, on gaspille la misère des ouvriers et la sueur des petits chinois en des orgies désabusées. Le but est ici d’être plus riche que les autres, d’être plus clinquant que les autres, d’être plus sportif que les autres, d’être plus fétard que les autres, d’être plus con que les autres,... L’important c’est d’être plus ... que les autres.Le chalet est glacial, sans âme, trop propre, trop neuf, trop isolé, fait penser à l’Autriche. On y mange mal, fromages peu affinés, charcuterie baclée, spécialités minables, raclette, fondue, gratins divers, mangeaille rapide faussement conviviale pour slalomeurs distants des plaisirs buccaux, ceux là au moins. Par pure charité, je ne dis rien sur le vin qu’on y sert. Seul l’alcool blanc, extrêmement fort et grisant mérite le détour. Alors j’y retourne souvent.Si Catherine n’aimait pas skier, si Catherine n’aimait pas danser, si Catherine ne retrouvait pas ici ses meilleurs amis, je ne serais pas à Courchevel. Oui mais...
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Iron... Hic !
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