- Allo ?- Groumph !- C’est Natasha !Connexions neuronales, ouverture des paupières, érection matinale renforcée, presque douloureuse.- Oui ! Allo, Natasha ! Oui !- Je te réveille ?- Non ! Tu penses !- Menteur ! Ca va bien ?- Non !- Ah ?- Tu me manques.- Aaaaah !Il se trouve, par malheur, que nous avons tous deux des obligations pour la journée (surtout elle mais je ne vais certainement pas lui dire que je suis majoritairement oisif, à attendre que vienne l’inspiration dans une position propre à effrayer Alphonse Bouddha, sorte de lévitation alcoolique, cannabique, cocaïnoïque ou névrotique) mais nous nous promettons de nous retrouver le soir même, tenue de soirée, dîner de gala, feu d’artifice et plus si affinités. Tu parles, des affinités il y en a des tonnes, peut-être trop, même, c’est gâché, presque !Toute la journée je vaque à ces petits rien qui passent le temps.J’enrage, je tourne d’un doigt vengeur les aiguille de mon vieux réveil tic-tac, j’essaie de tricher, de me rendormir, de prendre des forces, je soigne mon nez, amoureusement, avec de la vaseline et des cotons-tiges, de la glace à la pistache (parce que je n’ai pas de glaçons), j’écoute les Rolling Stones et Prince, Michel Jonasz et Kenny Burrel, Tubular Bells et le Concerto d’Aranjuez, le chant des baleines comme Simon et Garfunkel le "son du silence", j’éclabousse de l’eau sous la douche, je tente d’écrire, n’y parviens pas, je suis trop excité, je n’arrête pas de bouger, comme la puce trouvant le dos dodu d’un Saint-Bernard ermite se lèche les babines et danse une scottish sur ses pattes de derrière. Je cours dans mon appartement, je fais n’importe quoi, je jette mes disques en l’air, je me tords les doigts, je mange de l’encre et les bougies de mon dernier anniversaire, je danse sur "boys don’t cry" et je me saoule avec Ultravox, je dis bonjour à ma voisine, je m’assied, je pense, je pense à ce qui va se passer. Je lui manque ! Et encore ! Elle ne connait pas encore tout. Elle ne sait pas comme je me révèle dans l’alcove. Je me demande si je vais coucher avec elle, dès ce soir. Si nous allons baiser. Si nous allons faire l’amour. Si sa peau est tendre, si elle a des grains de beauté, si elle a un grain, elle est déjà tellement belle ! J’espère qu’elle fera le premier pas parce que j’aime les femmes qui veulent, qui osent, qui ont des désirs, qui les prennent en main, qui les assouvissent par, pour, avec, même sans l’autre, par pour avec (même) sans moi. J’aime être désiré. J’aime être une proie. Ca me rassure. Sur moi, bien sûr, sur ma capacité à être humain et désirable. Sur mes choix de vie, mes choix d’être, la conduite de ma vie et sur les femmes dont je décide qu’elle seront prédatrices.Je me perds et j’abuse du temps, tant et si bien que, passant nonchalamment près de la fenêtre du salon je m’aperçois qu’il fait nuit, que conséquemment , je suis déjà probablement en retard, qu’il faut que je m’habille, que je quitte mon short vert ASSE et mon t-shirt ACDC. Vite ! Le nez dans l’armoire, je cherche ce que je vais porter. Pour aller avec elle, pour ne pas fautedegoûter, j’envisage une chemise blanche type BHL, légèrement ouverte sur mon torse modérément velu, que viendra complèter une Mitterand rouge sombre, sur un costume noir, l’Armani à très fines rayures grises. J’essaie le tout, me regarde dans la psyché, me trouve probablement beau. Déesse Natasha, voici ton prince venir !Juste un petit détail. Ma chemise est froissée. Bien trop ! Elle appelle, demande, nécessite un coup de fer. Alors je sors la planche, coincée rangée entre le frigo et le bac à légumes et j’empoigne mon ... Rowenta !Rowentaaaaaaah ! Ma fierté, ma gloire, mon fer rutilant : puissant, agile, glissant, semelle Inox anti-rayure, défroissage vertical, système anti-goutte, poignée confort, patin anti-dérapant, range-cordon intégré, 400 ml dans le réservoir, couleur Azur et chrome, puissance 1600 watt, prêt à la caresse du coton pur, du velours d’or, de la soie fine. Je le branche. Petit bruit délicat de vaporisation, de sublimation en cours. Puis l’ébullition commence et de chaque bouche sortent des torrents de vapeur fine, élégante, gracieuse.
Je n’ai pas de voiture, pas de maison de campagne, pas de montre coûteuse, quelques habits de prix mais pas tant que cela, je ne me poudre pas le nez (ou alors à l’occasion de prises festives et gratuites), pas de femme fixe, pas d’enfant, aucun signe intérieur, aucun signe extérieur de richesse, sauf ... mon Rowenta ! Il est beau !Il ne s’encrasse jamais. Il répond à l’instant au moindre de mes désirs, est d’une fidélité sans faille, combien pourrait en dire autant ?
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Iron... Hic !
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